Las Vegas, le peuple des tunnels

Environ deux mille personnes ont trouvé refuge dans les tunnels de Las Vegas dans des conditions précaires, sans eau ni électricité, même si certains bénéficient d’un confort relatif © Los Angeles Times via Getty Images

Sous « Sin City » serpente un réseau tentaculaire d’évacuation des eaux pluviales. Des milliers de sans-abris vivent dans ces tunnels obscurs et insalubres… Ce samedi à 22h40, La Trois nous emmène à la rencontre de ceux que l’on surnomme « The Neon People ».

On connaît les casinos de Las Vegas, ses palaces et ses lumières. On sait moins que sous la surface, 800 kilomètres de tunnels se prolongent dans le désert du Nevada, un labyrinthe de béton construit à la fin des années 1970, dont l’accès est interdit à cause du risque d’inondations. On estime que deux mille personnes habitent dans ces souterrains. Un monde qui ne figure sur aucune carte…

Dans son documentaire « The Neon People », diffusé samedi soir sur La Trois, le réalisateur français Jean-Baptiste Thoret va à la rencontre de ces « gens du tunnel », qui racontent eux-mêmes leur vie dans ces couloirs glauques, humides, obstrués par les déchets.

Des témoignages édifiants

« C’est l’endroit parfait pour se loger parce qu’on se fait oublier », raconte Brandi, qui vit ici depuis dix ans, avec son chien. « C’est un lieu qu’on aime et qu’on déteste. Je le déteste parce que c’est détestable. Je l’aime parce que c’est chez moi. J’y ai plein de bons souvenirs, avec ma fille, mon mari, des amis. Des moments tristes, aussi. »

Plus loin, un couple aménage son bout de tunnel, peint les murs, monte des cloisons. « Quand on est ici, on prend ses aises. On mène une vie différente, mais nous sommes normaux, on n’est pas aveugle, on n’a pas peur de la lumière. On sort pendant la journée, on a des contacts sociaux, une famille, des amis… Parmi ceux qui vivent ici, il y en a qui travaillent. Nous sommes propres, on se lave chaque jour. Je fais semblant d’être sale pour mendier. Le souci, c’est quand les policiers arrivent, il faut s’enfoncer plus loin dans les souterrains. »

Un monsieur, en couple, témoigne. « Je vis ici depuis quinze ans. C’est chez moi, j’y ai divorcé, je m’y suis remarié. On est ici à cause de nos décisions. C’est difficile d’arrêter la drogue, ma femme et moi ne sommes jamais sobres. J’ai fait douze overdoses, j’ai survécu, je suis béni. Mais je ne survivrai pas à la prochaine… »

Des mortset des naissances

Preston explique : « Les gens croient que ceux qui vivent dans le tunnel sont de dangereux criminels, mais c’est une fausse idée. Dans l’ensemble, les habitants s’entendent bien, même s’il y a parfois des désaccords. Quand on arrive ici, il faut apprendre les règles : respecte l’espace des autres, respecte leurs affaires, demande avant d’emprunter quelque chose, traite les autres comme tu voudrais être traité. Nous ne laissons pas entrer les inconnus car des femmes vivent ici, il faut les protéger. »

« Il fait sombre, on ne sait pas l’heure qu’il est, si c’est le matin ou le soir. Pourtant je suis bien ici, sauf en cas d’inondations ou de contrôles policiers. Mais chacun a ses soucis, même ceux qui ont une maison », raconte Ashley avec fatalisme. « On peut se perdre dans ces tunnels, se retrouver coincé et y mourir », prévient un autre. Le tunnel a ses morts, mais aussi ses naissances. Nés dans les tunnels du Nevada, des jeunes n’ont jamais connu autre chose…

« L’alcool apaisait mes souffrances, mais pas comme l’héroïne. La drogue prend le contrôle de ma vie », confie Raven. Certains veulent revivre un jour comme avant, d’autres ont renoncé. Preston, lui, est heureux : il a récupéré des matériaux qui vont lui permettre de construire des cloisons. « Les déchets des uns sont les trésors des autres… Je vais avoir un duplex dans le tunnel ! » De son côté, Brandi se maquille et prend le bus pour aller jouer sur les machines à sous. Las Vegas reprend ses droits, avec tous ses possibles, son mélange d’innocence et de corruption…

Cet article est paru dans le Télépro du 31/10/2024

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