Laogai : goulag made in China
Mardi à 20h55 avec le documentaire «Les Camps secrets du pouvoir chinois», Arte lève le voile sur un des secrets les mieux gardés de la Chine communiste.
Qu’on les nomme camps de rééducation, camps de travail, camps de concentration ou goulags, ils ont tous un même but : écraser toute forme d’opposition face à un pouvoir totalitaire. Et malheureusement, le système est loin de s’essouffler comme en témoignent celles et ceux qui ont réussi à échapper aux mauvais traitements, à l’épuisement, à la mort.
Faire face aux «criminels»
Les tsars et leurs successeurs communistes ont envoyé leurs opposants en Sibérie, y provoquant la disparition de millions de prisonniers. Mao Zedong ne fera qu’imiter ses maîtres d’alors, les Soviétiques, en faisant sienne leur doctrine de rééducation des masses récalcitrantes par la force du travail. Et celui qu’on a surnommé le Grand Timonier de déclarer en 1951 : «Le grand nombre de criminels emprisonnés qui attendent d’être jugés constitue une importante force de travail.» Cette déclaration marque la création des laogai, des camps de travail ou de travaux forcés pour tous les dissidents ou supposés tels.
Et ils sont nombreux… Jugez-en par cette liste non exhaustive reprenant les catégories particulièrement «nuisibles» comme les propriétaires fonciers ou les riches paysans, les mauvais éléments en ce compris les contre-révolutionnaires, les gens de droite ou qui la soutiennent, les militaires de l’ancienne armée. On y compte aussi les partisans et les agents du Kuomintang, le parti nationaliste chinois qu’on retrouve aujourd’hui à Taïwan, ce bastion occidental tant convoité par la Chine, et enfin les capitalistes. Pendant la Révolution culturelle qui éclate dans les années 1960, s’y ajoutent les intellectuels refusant d’agiter le fameux petit livre rouge contenant les pensées de Mao. À lui seul, ce mouvement fanatique aurait entraîné la mort de près de 50 millions de Chinois !
Des entreprises autonomes
En 2006, il restait environ quatre mille laogai. Depuis 1983, ils constituent des entreprises économiques autonomes selon le modèle développé par le leader de l’époque, Deng Xiaoping. Ces camps produisent plus de 150 articles différents tout en assurant l’exploitation minière, notamment de l’amiante, laissant imaginer le risque sanitaire encouru par les détenus. Et gare au sabotage ou à l’inertie car si la qualité n’est pas au rendez-vous, les sévices corporels ne se font pas attendre.
Et il y avait encore pire… Dans les années 1960, il n’était pas rare de prélever des organes sains sur les prisonniers, au bénéfice des autorités du parti communiste ou des étrangers qui y mettaient le prix…
En 2013, l’assemblée populaire chinoise adopte officiellement une loi abolissant les laogai, pudiquement appelés «camps de rééducation par le travail». Mais ne nous méprenons pas, certains d’entre eux ont survécu. On parle de nos jours de cinq à huit millions de détenus parmi lesquels les contestataires survivants de la place Tiananmen, lors de la révolte de 1989. Sans compter les «prisons noires», comme le souligne si bien le sinologue Jean-Luc Domenach, où sont retenues sans aucune forme de procès et de manière totalement arbitraire de 20.000 à 30.000 personnes.
Cet article est paru dans le Télépro du 23/3/2023
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