L’affaire Le Roux-Agnelet : une incroyable saga judiciaire
Mardi à 20h55 dans le documentaire «Tant qu’ils ne retrouvent pas le corps», Arte retrace une affaire qui a défrayé la chronique près de quarante ans. Elle a pour cadre la guerre des casinos, à une époque où business juteux rimait souvent avec mafia et corruption.
Nice, Promenade des Anglais. À l’arrière de ce front de mer, des immeubles de tous styles, avec des enseignes prestigieuses telles que l’hôtel Negresco et son incroyable collection d’art ou le Palais de la Méditerranée, dont la façade Art déco semble défier le temps. Ce dernier, comme son concurrent Le Ruhl, fait les beaux jours de joueurs qui se pressent autour des tables du casino. En ces années 1970, la ville est dirigée par un maire omnipotent, Jacques Médecin.
Assassinat ou suicide ?
Agnès Le Roux affiche 29 ans en ce 27 octobre 1977, jour de sa disparition. On ne retrouvera jamais le corps de cette jeune héritière d’une des parts du Palais de la Méditerranée. Suicide ou meurtre ? La justice peinera à donner une réponse fiable. Est-ce son amant, l’avocat niçois (Jean-)Maurice Agnelet qui l’aurait assassinée ? Pour quelles raisons ? Avant de disparaître, Agnès a laissé une lettre bien visible dans son appartement qui attesterait la thèse du suicide : «Désolée, je dérape. Ici se termine mon chemin. Tout est bien. Je désire que Maurice s’occupe de tout.» Signé Agnès. Près d’un an plus tard, Maurice Agnelet, alors âgé de 40 ans, est arrêté. Il avait transféré une somme importante – on parle alors de trois millions de francs français (environ 450.000 €) – sur un compte à son nom, avec procuration pour Françoise Lausseure, son autre maîtresse. Celle-ci lui avait fourni un alibi en béton en affirmant que Maurice était en Suisse auprès d’elle à l’époque de la disparition d’Agnès.
450.000 €
Le mobile du crime aurait donc été ces trois millions de FF promis par Jean-Dominique Fratoni, proche de la mafia locale et de Jacques Médecin, et qui dirigeait un casino concurrent. Soucieux d’acquérir à bon compte le Palais de la Méditerranée, Fratoni avait convaincu Agnès, par le biais de Maurice Agnelet et contre espèces sonnantes et trébuchantes, de mettre en minorité sa mère Renée Le Roux au sein du conseil d’administration – pour que ne soit pas renouvelé son mandat de PDG -, et de lui vendre ses parts. L’argent avait aussi abouti dans les mains de Maurice Agnelet, codétenteur du compte sur lequel fut versé cette somme. Un an plus tard, Agnelet est rayé du barreau et s’exile au Canada. Arrêté et extradé, il est jugé, mais bénéficie d’un non-lieu. L’affaire reprend de plus belle lorsque Françoise Lausseure, qu’il a enfin épousée, avoue lors de son divorce qu’elle a menti au sujet de l’alibi fourni…
Vingt ans de réclusion
En 2014, après de nombreuses péripéties judiciaire, Guillaume Agnelet, le fils de Maurice, se confie au parquet de Chambéry. Il se dit convaincu que son père est bien le meurtrier d’Agnès Le Roux, donnant tous les détails du crime tels que les lui aurait confiés son père. Ce dernier est condamné à vingt ans de prison et son recours devant la Cour de cassation est rejeté. Quant à la famille Le Roux, elle récupère les fameux trois millions, avec intérêts, versés à l’époque à Agnès par Fratoni. Libéré pour raison médicale en 2020, Maurice Agnelet décède en janvier 2021, à 82 ans, à Nouméa. Sa mort met ainsi un terme à cette longue saga judiciaire, sans lever totalement le voile sur les incertitudes qui entourent encore la disparition d’Agnès Le Roux…
Cet article est paru dans le Télépro du 21/9/2023
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