La valeur du temps : la tactique du tic-tac
Le temps dirige nos vies. Tandis que les aiguilles tournent, certains cherchent comment s’en libérer. Réflexion, à l’occasion de la diffusion du documentaire «Le Temps c’est de l’argent», ce lundi à 20h40 sur La Trois.
Nous avons tous en nous quelque-chose du Lapin Blanc d’Alice au pays des merveilles. À longueur de journée, il vient nous murmurer à l’oreille «En retard, toujours en retard»… Et comme lui, nous courrons après ce temps qui passe et que personne jamais ne rattrape.
Le tic-tac obsédant des horloges et des montres a eu beau jeter le gant, mis KO par la modernité, rien n’y fait. Ses successeurs électroniques n’égrainent plus seulement les heures, les minutes, les secondes. Ils comptent nos pas, estiment le temps nécessaire pour rejoindre notre lieu de travail, trouvent le meilleur trajet, celui qui nous fera gagner le plus de temps. Le tic-tac numérique nous accompagne en permanence. Et ça dure depuis un bout de temps.
À la bonne heure
«L’histoire des sociétés modernes, c’est l’emprise progressive de l’heure exacte sur les vies humaines», écrit Roger-Pol Droit, philosophe et journaliste français, chroniqueur au quotidien Le Monde.
Tout aurait commencé au début de l’Univers, au moment du Big Bang, il y a 13,7 milliards d’années. C’est là que le temps aurait commencé. Le mesurer devient une préoccupation de l’homme dès les premières civilisations. Un des premiers instruments créé pour le calculer serait un os marqué d’entailles datant de 32.000 ans avant J.-C., un os retrouvé dans un abri sous roche de Dordogne, l’abri Blanchard.
Inventions
Nos ancêtres nous laissent aussi des témoins qui tendent à prouver qu’ils balisaient le temps grâce à des points de repère comme les solstices et les équinoxes. C’est le cas du célèbre site de Stonehenge, dans le sud de l’Angleterre, daté de -2800.
Gnomons (simples piquets plantés verticalement dont l’ombre indique l’heure solaire), cadrans solaires, clepsydres (horloges à eau), sabliers… : Encyclotron, le projet des Jeunesses scientifiques de Belgique, énumère toute une série d’instruments inventés pour mesurer le temps. Premières horloges au XIVe siècle, pendules trois cents ans plus tard : les inventions se succèdent, de plus en plus précises. Les horloges atomiques actuelles dérivent de moins d’une seconde en trois mille ans.
Contre la montre
Le documentaire proposé sur La Trois lundi soir montre surtout comment, à l’heure actuelle, le temps est devenu une valeur marchande et à quel point il contrôle notre vie. En 1912, l’Observatoire de Paris crée le temps universel. La capitale française donne le signal horaire international. Dans les usines, chaque minute est désormais comptée, «l’industrialisation fait apparaître la distinction entre le temps de travail et les autres temps (et lieux) de vie», analyse l’ONG Volubilis.
De nos jours, «le temps de travail commence à s’insinuer dans le temps libre et inversement, en mélangeant des mondes symboliques différents», écrit la sociologue italienne Simonetta Tabboni. Résultat : surmenage et burn out fleurissent.
Kronos tueur !
Selon l’OMS, la mort liée à la durée du travail frapperait chaque année 745.000 personnes. Certains n’hésitent pas à parler de «mal du siècle» pour qualifier l’emprise du temps et ses conséquences dramatiques. Kronos, le Titan destructeur de la mythologie grecque, continue à dévorer de nombreuses victimes.
«Le présent est le seul temps qui nous appartient», «Le temps est le lieu de toutes nos créations», «C’est dans le temps que nous donnons à notre vie un horizon de sens» : les philosophes s’en donnent à cœur joie sur le thème.
Plus pragmatiques, des associations de consommateurs se mobilisent contre les nouveaux maîtres du temps que sont devenus les réseaux sociaux et des lois donnent aujourd’hui plus de temps de repos aux parents pour s’occuper d’enfants gravement malades. Le temps reste une préoccupation bien loin d’avoir fait son temps.
Cet article est paru dans le Télépro du 6/1/2022
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