La terreur à tout prix
Drogue et terrorisme font bon ménage, quitte à oublier toute valeur… Ce mardi à 23h35, Arte diffuse le documentaire «Drogue, armes, argent – Enquête sur le financement du terrorisme».
Le 11 septembre 2001, quatre attentats islamistes provoquent la mort de 2.977 personnes aux États-Unis. Le monde, sidéré, découvre les images des avions-suicides qui s’abattent sur les tours jumelles du World Trade Center à Manhattan, l’effondrement de celles-ci, les bâtiments du Pentagone à Washington éventrés. L’organisation terroriste responsable s’appelle Al-Qaida. Son leader, Oussama ben Laden, a installé des bases d’entraînement en Afghanistan, avec la bénédiction des talibans. Ceux-ci ne sont pas seulement les maîtres du pays. Ils règnent aussi sur le trafic mondial de l’opium et de l’héroïne. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), à l’époque, au moins 85 % de cette drogue proviennent de cette région de la planète.
Le lien du sang
Pour punir les coupables, les États-Unis et leurs alliés de l’Otan lancent l’opération «Enduring freedom» (liberté durable) le 7 octobre 2001. Elle poursuit plusieurs objectifs. D’abord, détruire les bases d’Al-Qaida et éliminer son leader mais aussi les talibans, coupables d’avoir abrité et soutenu l’association terroriste. Washington accuse aussi les dirigeants afghans d’être «de vulgaires narco-terroristes», comme on peut le lire dans les archives du Département d’État américain. Un rapport du Comité d’experts de l’ONU accrédite cette thèse. Il indique que «les fonds provenant de la production et du commerce de l’opium et de l’héroïne sont utilisés par les talibans pour acheter des armes et du matériel de guerre, pour financer la formation de terroristes et soutenir l’opération des extrémistes dans les pays voisins et au-delà».
La drogue paie les armes
Michel Gandilhon, chargé d’études et chercheur à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) rappelle l’intervention sur ce thème du Premier ministre britannique Tony Blair : «Les armes que les talibans achètent sont payées avec les vies des jeunes Britanniques qui achètent leur drogue dans les rues britanniques, martèle en 2002 le meilleur allié de Washington. C’est un autre aspect de leur régime que nous devons détruire.» Vingt ans plus tard, un rapport de l’ONUDC estime que les opiacés afghans fournissent 8 consommateurs sur 10 dans le monde. Quant aux revenus tirés de ce trafic, «ils sont estimés entre 1,8 et 2,7 milliards de $ en 2021».
Union terroriste et criminalité
L’exemple afghan du lien entre le (très lucratif) trafic de stupéfiants et le terrorisme se vérifie ailleurs. L’Organe international de contrôle des stupéfiants (INCB) évoque le cas de la Colombie où les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP) se sont financées pendant des décennies grâce au trafic de cocaïne. Le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel met l’accent sur le lien étroit et structuré entre criminalité organisée (notamment en provenance d’Amérique latine) et terrorisme dans cette région. Confronté à un problème «éthique» (la drogue est considérée comme «illicite» (haram) par les djihadistes), Al Qaida au Maghreb Islamique a contourné l’écueil en optant pour le prélèvement d’un impôt sur le passages de la drogue destinée aux «impies des pays apostats» et pour des prises d’otages occidentaux.
La Syrie, narco-État
L’État islamique s’est lui aussi appuyé sur le trafic de stupéfiants (et les flux financiers illicites qu’il engendre) pour se financer. Plus particulièrement sur le trafic de drogues synthétiques. Il y a trois ans, la police italienne effectuait une prise record à Naples. 14 tonnes d’amphétamines sous la forme de 84 millions de comprimés de captagon (un médicament considéré comme une drogue). Ceux-ci avaient été produits par Daesh en Syrien, qui s’est depuis lors imposé comme un gros bras du secteur. Un pays dont les institutions légitimes sont corrompues par le pouvoir et les ressources issues du commerce illégal de la drogue ? La Fondation pour la recherche stratégique (FRS) pose la question… et y répond : «Dans la mesure où de nombreuses institutions et des proches du régime syrien prennent directement part à la production et au trafic de captagon», analyse le centre d’expertise français sur les questions de sécurité internationale et de défense, «la Syrie est devenue un véritable narco-État.»
Cet article est paru dans le Télépro du 20/7/2023
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