«Kompromat» : fuir le courroux de Moscou

Dans le film «Kompromat», Gilles Lellouche incarne un personnage calqué sur Yoann Barbereau © France 2
Alice Kriescher Journaliste

Librement inspiré d’un fait réel, le long métrage de Jérôme Salle conte l’histoire de Mathieu Roussel (Gilles Lellouche), un Français injustement détenu en Russie. À voir ce dimanche à 21h10 sur France 2.

La véritable aventure qui a donné lieu au scénario de «Kompromat», sorti en 2022, fut vécue par Yoann Barbereau. L’histoire de ce fonctionnaire français, qu’il a rapportée dans son livre «Dans les geôles de Sibérie», valait bien d’être portée à l’écran tant elle est rocambolesque.

Tropisme vers l’Est

Yoann Barbereau grandit loin de la Sibérie, près de Nantes. Après des études de philosophie, il est rattrapé, en 2003, par ce qu’il qualifiera de «tropisme vers l’Est» et s’installe en Russie à l’âge de 25 ans. Là, il contribue à fonder l’Alliance française de Rostov-sur-le-Don, dont l’objectif premier est de jouer un rôle clé dans la promotion de la langue et de la culture française dans la région sud de la Russie. Le rôle de Yoann Barbereau est, entre autres, d’organiser des rencontres littéraires et artistiques. En 2011, il est muté, toujours pour l’Alliance française, à Irkoutsk, en Sibérie, et y mène une existence paisible avec sa femme et sa fille durant quatre ans.

La tempête kompromat

Le 11 février 2015, des hommes armés font irruption chez lui et l’embarquent de manière très violente sous les yeux de sa fille de 5 ans. Ce sont des agents du FSB, service de renseignements russe, successeur du KGB. «Dans un premier temps, je suis accusé de diffusion d’images pédopornographiques et du viol de ma propre fille», explique-t-il au média Brut. «Mon ordinateur a en réalité été trafiqué et utilisé pour publier des images criminelles.» Yoann est victime de ce que l’on appelle un kompromat, terme russe pour désigner un dossier compromettant mettant en cause une personnalité publique (dérangeante pour les autorités). «Pas un seul témoin, les éléments réunis formaient une construction tantôt loufoque, tantôt farfelue», explique Yoann dans son livre. Le Français est incarcéré durant 71 jours. Après un passagede trois semaines en hôpital psychiatrique, il est finalement placé sous résidence surveillée.

Évasion jamesbondienne

En proie à un abattement psychologique, Yoann prend la décision de s’évader. «Je place du papier aluminium autour de mon bracelet électronique, ce qui a pour effet de couper le signal et, normalement, de déclencher l’arrivée de gardes, mais personne ne vient. Je comprends qu’en cas d’évasion, je peux avoir une bonne avance sur mes poursuivants.» Yoann se lance, il laisse son téléphone dans un car en direction de la Mongolie et part pour Moscou où il trouve refuge à l’ambassade française. Mais les diplomates craignent un incident, la situation est compliquée et le lieu devient, pour Yoann, une prison dorée. Il décide de fuir une seconde fois et se prépare à la manière d’un soldat, en étudiant les cartes satellites des mois durant. Il finit par repérer un point d’accès possible pour traverser la frontière vers l’Estonie. Aidé par une amie russe, il va y parvenir. Le 8 novembre 2017, Yoann Barbereau est de retour sur le sol français.

Pourquoi tant de haine ?

Une question demeure : pourquoi le FSB lui en voulait-il autant ? Pour Yoann, il s’agit d’une conjonction de facteurs. «Ils ont sans doute pensé que j’étais un officier du renseignement français, mais je ne pense pas que ce soit l’explication définitive», indique-t-il au micro de France 3. «À l’époque, la France venait de refuser de vendre des navires à la Russie, j’étais proche d’un maire de l’opposition et m’affichais avec une minorité russe prodémocratie et, de surcroît, en pleine phase de séparation avec mon épouse russe. Je pense que tout cela a fait germer l’idée chez quelqu’un au FSB : « On va se faire ce Français »…»

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