Jean-Paul II : la fin d’un mythe
Il rêvait d’une Église catholique puissante, il en a surtout masqué les travers.
À l’occasion de la visite exceptionnelle du pape François à Marseille, France 3 diffuse un numéro inédit de «Secrets d’Histoire», ce mercredi à 21h10. Stéphane Bern nous entraîne en Pologne, pour explorer le parcours intime et personnel du pape Jean-Paul II (1920-2005).
Directrice de la revue Témoignage Chrétien, Christine Pedotti est l’auteure de nombreux ouvrages sur la foi catholique dont «Jean-Paul II, l’ombre du saint», avec Anthony Favier. Elle brosse un portrait contrasté de son pontificat.
Pourquoi appelait-on le pape Jean-Paul II, «l’athlète de Dieu» ?
C’est le nom que le Cardinal Etchegaray lui a donné dès 1980. Il est vrai que quand il devient pape, à 58 ans, Jean-Paul II est encore un jeune homme, si on le compare aux papes précédents. Il avait un physique impressionnant et c’était un grand sportif. Il marchait beaucoup et avait l’habitude de se baigner dans l’eau froide des rivières. Il a fait construire une piscine à Castel Gandolfo. Il se faisait régulièrement transporter en hélicoptère pour aller skier et revenir le soir-même. Même après son attentat, il retrouvera une grande forme physique. Il faut aussi pointer ses nombreux voyages à l’étranger, il a parcouru la planète et il était toujours fringant… Il a bouleversé l’image traditionnelle des papes qui, jusqu’à lui, étaient vieux, guindés et enjuponnés. Cette allure moderne a provoqué une certaine confusion car la pensée de Jean-Paul II, elle, n’était pas moderne !
Justement, pourquoi réclamez-vous sa décanonisation ?
Sa canonisation était prématurée car on se rend compte aujourd’hui de l’étendue des dégâts provoqués par son pontificat. Il avait l’ambition de réarmer l’Église catholique, d’un point de vue doctrinal, de la rendre plus puissante. Du coup, il a fermé les yeux sur une série de gourous et d’abuseurs. Le grand débat est : que savait-il ? A-t-il voulu ne pas voir ? Mais c’était son travail de voir ! Il était notamment très proche de Marcial Maciel Degollado, fondateur de La Légion du Christ, alors que des accusations de pédophilie s’accumulaient à son encontre. Marcial Maciel était un prêtre trigame, qui a violé ses séminaristes et ses propres enfants. Jean-Paul II a également protégé les nouvelles communautés, véritables nids pour les abuseurs, qu’il s’agisse d’abuseurs sexuels ou d’abus de confiance. On pourrait constituer une abominable galerie de photos où l’on voit Jean-Paul II bénir tous ces abuseurs. La pédocriminalité et les abus de confiance ont été mis sous le tapis durant tout son pontificat. Sa volonté de puissance passait par des dégâts collatéraux. On a sacrifié des religieuses et des enfants, violés par des prêtres, pour préserver la puissance de l’Église. Ce fut un immense homme politique, mais en tant que pape, il n’a pas fait du bien à l’Église. Faire tomber le mur de Berlin est une victoire politique, pas religieuse.
Vous critiquez aussi la façon dont Jean-Paul II considérait les femmes…
Pour lui, les femmes sont des supplétives dans l’Église, des gardiennes de la vie dont le plus bel accomplissement est d’engendrer un enfant qui deviendra prêtre. Il parle de «La Femme» et en fait une image idéalisée, fantasmée, qui efface les vraies femmes qui ne rentrent pas dans le modèle de la Vierge Marie. Être à la fois vierge et mère, c’est un défi difficile à relever ! Jean-Paul II est passé à côté du mouvement d’émancipation des femmes et de leur éruption dans la sphère publique, il n’a pas vu l’enjeu. Les femmes ont accédé à tous les postes dans le monde laïc, mais restent bannies de l’Église catholique. C’est le dernier bastion à prendre, mais faut-il le conquérir ? Pour moi, il s’effondre de lui-même et il n’y aura bientôt plus rien à prendre…
À lire : Christine Pedotti et Anthony Favier, «Jean-Paul II, l’ombre du saint», 336 pages, 20,90 € (Albin Michel)
Cet article est paru dans le Télépro du 21/9/2023
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