«#Investigation» part à la chasse
Depuis la Préhistoire, l’homme chasse. Partisans et adversaires échangent des tirs croisés, mercredi soir à 20h20 dans «#Investigation» (La Une).
Il s’appelle Hartal. Depuis deux jours, il mène un petit groupe sur la piste d’un mammouth. Fini le temps où il se nourrissait d’insectes et d’animaux morts : le clan des Vorn a faim, il lui faut de la viande. Épieux en bois et massue à la main, les hommes progressent dans la steppe. Les traces qu’ils suivent sont fraîches. Leur proie ne doit plus être loin. Trois millions d’années passent. Roger descend de son 4X4. Dans le bois de Thierry, il retrouve trois camarades. Nous sommes le 1er octobre, c’est l’ouverture de la chasse au cerf. Son fusil «Model superposé» avec doubles détentes et gravure feuilles de chêne est prêt à l’emploi.
Le bon chasseur
Première question, comme dans le sketch des Inconnus : c’est quoi un bon chasseur ? «Le bon chasseur, il prend son fusil, il vise, il tire.» Dans la réalité, les choses sont un peu plus compliquées. En Wallonie, pour s’adonner à son sport («hobby» préfèrent certains) favori, le bon chasseur doit être titulaire d’un permis de chasse. Et pour l’obtenir, il doit non seulement s’acquitter d’une somme de 223,10€ + la taxe provinciale (en Wallonie), mais surtout avoir présenté et réussi un examen théorique ainsi qu’un examen pratique (depuis 1996 en Région Wallonne).
On compte aujourd’hui près de 24.000 chasseurs en Belgique (chiffre du Royal Saint-Hubert Club), quarante fois moins qu’en France. Leur profil ? Selon une étude universitaire, le chasseur type est un homme, il a entre 40 et 59 ans. Son activité professionnelle ? Indépendant. À moins qu’il ne soit employé, retraité, agriculteur ou exerce une profession libérale : la répartition est multiple et très équilibrée. Ses motivations ? Multiples également. Cela va de l’amour pour les armes au souhait de préserver le gibier en passant par le plaisir de partager une passion ou de mieux connaître et apprécier la nature en compagnie d’amis.
Le coup de fusil
Moyennant tout cela et d’autres choses encore (obligation d’être couvert par une assurance responsabilité civile notamment), le chasseur sachant chasser peut alors s’adonner à son activité. Mais là non plus, pas dans n’importe quelles conditions : selon les espèces chassées (grand ou petit gibier, gibier d’eau…), les méthodes utilisées (chasse à tir, battue, chien courant, approche et affût, botte…) et les lieux fréquentés, des dates précises sont fixées. Et si les règles ne sont pas respectées, c’est le coup de fusil : des amendes carabinées sont infligées. Quant aux retombées économiques générées par l’activité (acquisitions et gestion de terrains de chasse, achats d’armes et de munitions, ventes du gibier tiré…), les chasseurs ne rentrent pas «brocouille» (comme on dit dans le Bouchonois des «Inconnus»). Il y a quelques années, une étude estimait ces retombées à 135 millions en Wallonie.
Le mauvais chasseur
Et le mauvais chasseur ? Toujours comme dans la caricature des Inconnus sur la chasse à la gallinette cendrée : «Le mauvais chasseur ? Il prend son fusil, il vise, il tire.» Les critiques ne manquent pas vis-à-vis des chasseurs. En 2019, la Ligue royale belge pour la protection des oiseaux (LRBPO) publiait un sondage sur la chasse. Résultat : 74 % des personnes interrogées (mille Belges de 18 à 65 ans) déclarent être opposées à cette pratique. Un seul francophone sur dix y serait favorable. Les raisons principalement évoquées (remplacer par «Les raisons principales derrière cette opposition» si on parle uniquement des raisons à l’opposition) car le sentiment d’insécurité, ci-après, peut être aussi compris dans l’autre sens : ex : peur du loup ou du sanglier) sont d’une part le sentiment d’insécurité et d’autre part la considération pour l’animal. L’association Stop aux dérives de la chasse réclame une réforme radicale de la loi sur la chasse en Wallonie (qui date de 1882). Elle dénonce : «La chasse d’agrément, de loisir, sportive, ou d’affaire… est une pure activité de consommation. On y «consomme» du sanglier, du perdreau, du faisan… comme de vulgaires marchandises.» Dérives au niveau de l’éthique et du bien-être animal, impact sociétal, dette cachée : les opposants démontent un à un chacun des arguments avancés par les chasseurs… qui leur répondent à leur tour… Un antagonisme pratiquement ancestral. Pendant ce temps, Roger avance, lentement, dans le bois. L’arme à la main, il se surprend à fredonner «J’aime le son du cor, le soir, au fond des bois». Trois millions d’année plus tôt, Hartal ne connaît ni le cor ni le cerf. Seulement le mammouth, et il est là, à quelques pas.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 4/02/21.
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