Ikea : le meuble qui cache la forêt
Pendant un an, deux journalistes ont remonté la chaîne de production du géant suédois du meuble pour nous éclairer sur l’incroyable expansion de la multinationale. Ce mardi à 20h50, Arte diffuse leur documentaire «Ikea, le seigneur des forêts».
Un sketch mythique de Gad Elmaleh, une scène romantique dans le film «500 jours ensemble», un catalogue qui dépasserait le tirage de la Bible… Ikea n’est définitivement pas une marque comme les autres, l’enseigne fait aujourd’hui partie de la culture populaire. Et, pour rester le chouchou des consommateurs, le professionnel du meuble en kit a bien compris qu’il était essentiel de montrer patte verte en matière de conscience environnementale. Peut-on y croire ?
Records chiffrés
Il se murmure qu’un Européen sur dix aurait été conçu dans un lit Ikea ! Depuis sa création, en 1943, ce qui a débuté comme une petite entreprise familiale a connu une croissance fulgurante et les meubles aux noms imprononçables se sont intégrés (non sans peine) dans la plupart de nos intérieurs. Les chiffres liés à ce fleuron commercial suédois ont de quoi affoler : 422 magasins dans cinquante pays, près d’un milliard de clients, 2.000 nouveaux articles par an et un exemplaire de son produit phare, la bibliothèque Billy, vendu toutes les cinq secondes. Mais, pour afficher de tels scores, Ikea a besoin de bois, de beaucoup de bois, comme l’indique le documentaire d’Arte : «Pour poursuivre son développement exponentiel et vendre toujours plus de meubles à bas prix le géant suédois dévore chaque année 20 millions de mètres cubes de bois, soit 1 % des réserves mondiales de ce matériau…»
Oups, la boulette suédoise !
Mais où dégote-t-on une telle quantité de bois ? Pour le premier consommateur mondial, ce fut d’abord à domicile. Le bois issu de Suède ne constitue cependant plus que 7 % de la matière utilisée par Ikea, la direction ayant rapidement décidé de se tourner vers des territoires meilleurs marchés, a l’instar du Brésil, vu comme un eldorado. «Non sans controverse, le sous-traitant local d’Ikea a écopé de lourdes amendes pour ses atteintes à l’environnement», explique-t-on sur le site d’Arte. En Europe, c’est d’abord la Pologne qui a fait office de pourvoyeur. «En pleine guerre froide, Ikea a profité de la neutralité suédoise pour s’y fournir massivement, avant d’y délocaliser ses scieries.» Mais, l’approvisionneur le plus problématique reste la Roumanie où règne une mafia du bois. «Ikea est le premier propriétaire forestier privé de Roumanie. Dans ce pays gangréné par le trafic de bois, où la moitié des coupes sont illégales, accélérant l’érosion et grignotant des forêts primaires protégées, le géant suédois fermerait les yeux sur les pratiques de ses fournisseurs.»
Reverdir son image
Pour donner le change face aux différents scandales environnementaux qui émaillent son image, Ikea n’a d’autres choix que de pratiquer un intense «greenwashing» (pratique marketing qui vise à donner une image écologique à une société qui ne l’est pas en réalité). Outre les promesses sur son site Web, certifiant l’envie d’un monde «plus durable» pour la pérennité de la «planète terre qui est notre maison», l’entreprise a d’autres leviers pour créer l’illusion verte. Notamment, la Nouvelle-Zélande où se pratique un business de la compensation carbone. «Ikea profite d’une politique néo-zélandaise permettant aux entreprises étrangères d’acquérir des terres pour compenser leur production de CO2», analyse Arte. «L’entreprise veut atteindre la neutralité carbone en plantant, au mépris des populations locales, des forêts de pins… destinées à l’abattage.»
Cet article est paru dans le Télépro du 22/2/2024
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