Idoles nipponnes
Au Japon, ces jeunes starlettes angéliques sont adulées. Un véritable phénomène de société ! Mais la médaille a son revers…
Ichigo a 27 ans. Jugée trop âgée pour le métier, sa carrière s’achève. Par contre, celle de Yuno commence. L’enfant, coachée par sa maman, n’a que 7 ans, mais déjà plus de trente mille abonnés sur Instagram. La profession pratiquée par les deux jeunes Japonaises est peu connue, voire ignorée chez nous. Dans leur pays, on les appelle des idoles.
L’émission «Envoyé spécial», jeudi à 21h10 sur France 2, nous fait découvrir cette véritable institution. Une industrie aussi pour laquelle garçons et filles sont repérés à la fleur de l’âge et formés au chant, à la danse, au mannequinat… en vue d’en faire de véritables produits de consommation. Pour remonter aux origines de ce phénomène de société, un bond dans le temps et dans l’espace sont indispensables.
La plus belle pour aller danser
1964. En France, la période des yéyés bat son plein. Les chanteurs à la mode s’appellent Cloclo, Johnny, Richard Anthony… Mais les disques d’une jeune interprète d’origine bulgare tournent aussi pas mal sur les pickups des adolescents de l’époque. Sylvie Vartan, alias Sylvie Georges Vartanian, fait un véritable tabac avec «La Plus belle pour aller danser». À peine débarquée sur scène et chez les disquaires, la jeune femme fait son apparition au grand écran.
Dans le film «Cherchez l’idole», elle interprète son tube. Le succès est immédiat. Contre toute attente, il dépasse les frontières de la francophonie et envahit le Japon. Un mythe voit le jour. Pas celui de Sylvie Vartan (20 ans, à l’époque), mais celui de chanteuses correspondant aux canons occidentaux de la beauté : (très) jeunes, fraîches, gaies, avec un répertoire de chansons populaires. Si les avis sont partagés sur les détails du début de l’histoire, pour la suite de celle-ci par contre, c’est l’unanimité : au Japon, dans les années qui suivent la diffusion du film, le succès de cette catégorie d’artistes très spécifiques explose.
Machine à rêve
Les idoles sont d’abord essentiellement des chanteurs pop masculins «pour lesquels se pâmaient d’amour des collégiennes ou lycéennes qui criaient leur nom d’une voie suraiguë», décrit le site nippon. com, un portail destiné à mieux faire connaître le Japon à l’étranger. Le profil s’élargit ensuite aux jeunes filles et aux boys bands.
«À l’origine, les idoles étaient considérées comme des vestales, des êtres angéliques et quasi non humains», explique l’avocat Kasai Kunitaka, «construites sur mesure pour la société japonaise», complète Manon Perfetta sur la plateforme Panodyssey.
Pour des Japonais, traditionnellement décrits (de manière un peu caricaturale) comme solitaires, timides et peu enclins à multiplier les histoires d’amour, les jeunes filles doivent représenter l’archétype de la petite amie de rêve. «Les idoles sont disponibles pour les fans tout le temps, partout. Leurs contrats leur interdisent d’avoir des relations» : fantasme et sécurité garantis.
Machine à sous
Le fan renvoie alors l’ascenseur à son idole en assistant aux concerts, en achetant les produits dérivés à son effigie ou en payant pour avoir la chance d’être photographié en sa compagnie. Certains n’hésitent pas à consacrer plusieurs centaines de milliers d’euros à leur passion car ils savent que plus leur idole est soutenue, plus longtemps elle restera au premier plan et multipliera les apparitions sur scènes, dans des émissions télé, sur Internet, dans des films ou des publicités.
Combien de temps ?
Retour à la case départ. L’idole a une date de péremption. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, sa carrière ne l’aura pas spécialement enrichie ni épargnée. L’expression «dérapage» est régulièrement employée dans les articles concernant des idoles. Des sociétés de production imposent des règles drastiques à leurs «protégés» (poids, apparence extérieure, vie privée) et des contrats financièrement peu rémunérateurs. Des fans obnubilés par leur idole peuvent harceler celle-ci jusqu’à l’agression physique. Pas si divin comme vie…
Cet article est paru dans le Télépro du 24/11/2022
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