Homophobie : nuages noirs sur l’arc-en-ciel
Discrimination, harcèlement, agressions physiques, moqueries : les actes homophobes continuent d’obscurcir le ciel des droits de l’homme en Europe… Ce dimanche à 21h30, La Trois diffuse le documentaire «Homophobie dans le monde : aux racines de la haine».
«La montée de l’intolérance à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) en Europe a de quoi faire honte.» La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ne mâche pas ses mots. Dans «Le Carnet des droits humains de la commissaire», la Bosnienne Dunja Mijatoviæ signe un article qu’elle intitule «Fierté vs. indignité : la manipulation politique de l’homophobie et de la transphobie en Europe» (sur www.coe.int ou tapez le titre au complet sur un moteur de recherche). Le portrait qu’elle dresse de la situation sur le Vieux Continent est particulièrement sombre. Petit tour de l’Europe de la honte.
La chasse est ouverte
Une constante dans les pays qui connaissent une montée du phénomène : celle-ci est particulièrement significative en période électorale. En Pologne, durant la campagne des législatives de 2019, le président, candidat à sa réélection, propose une loi interdisant à «toute personne en couple avec une autre personne du même sexe» d’adopter des enfants. Il promet aussi d’interdire «la propagation de l’idéologie LGBT» dans les institutions publiques, une idéologie «plus destructrice que le communisme», déclare-t-il.
Décadence occidentale
Même son de cloche chez les autorités russes. La «loi sur la propagande gay» a été votée il y a dix ans. Le Parlement souhaite aujourd’hui interdire tout ce qu’il considère comme de la propagande en faveur de l’homosexualité et de la transidentité pour les mineurs. «Cela va jusqu’aux dessins animés.» Pour le régime, la tolérance de l’homosexualité est un signe de la décadence de l’Occident et «l’homopoutinus» ne mange pas de ce pain-là. Des politiciens en Moldavie, en Arménie ou en Hongrie (dé)versent aussi dans le même registre.
Écrans de fumée
Dans tous les cas, un argument est mis en avant par ceux qui tiennent ce discours : «protéger la nation (les enfants en particulier) contre des informations qui favorisent le déni des valeurs traditionnelles de la famille». Nationalistes et ultraconservateurs utilisent la minorité LGBTI comme bouc émissaire pour gagner des voix mais aussi pour détourner l’attention. Dunja Mijatoviæ le constate en Hongrie où la loi électorale et les dispositions relatives à la transparence des dépenses publiques ont été adoptées en même temps que la loi qui interdit de diffuser des informations relatives aux questions LGBTI auprès des enfants.
«Dégoûtant»
«Une spirale négative qui semble enhardir de plus en plus de responsables politiques européens», estime la commissaire aux droits de l’homme, des politiciens qui voient la technique fonctionner ailleurs et qui la reprennent à leur compte. Elle rappelle le cas du président de la République tchèque n’hésitant pas à déclarer récemment qu’il trouve les personnes transgenres «dégoûtantes».
Religion, droit et médecine
Antiféministes, homophobes, transphobes… défendent une vision très conservatrice de la famille. Quelles seraient les origines de ces peurs et ces rejets ? «Si, en chacun de nous, il y a un homophobe qui s’ignore, c’est parce que l’homophobie semble nécessaire à la constitution de l’identité de chaque individu», écrivent Daniel Borrillo et Caroline Mécary dans leur ouvrage «L’Homophobie» (coll. Que sais-je ? – Presses universitaires de France). Cette peur s’est profondément ancrée dans notre éducation, entretenue au cours des siècles «principalement par trois institutions : la religion chrétienne a fait de l’homosexualité un péché ; la médecine, un trouble psychique, une perversion ; et le droit, un crime, un fléau social, supposé de désordre social», estime Nicole Mosconi, philosophe française et professeure en sciences de l’éducation. Malgré les progrès réalisés ces dernières années pour promouvoir «l’égale dignité et les droits de l’homme de tous», homophobie et transphobie persistent.
Chez nous aussi
En Belgique, Unia (institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances) indique dans son dernier rapport avoir enregistré 176 dossiers liés à l’orientation sexuelle. Une augmentation par rapport à la moyenne de ces cinq dernières années. «Des actes de haine, par exemple des coups et blessures, dans près de 43 % des cas», explique Patrick Charlier, directeur d’Unia. «Malheureusement, ces chiffres ne constituent que la partie émergée de l’iceberg : nous plaidons pour un meilleur encodage du motif homophobe (éventuel) dans les systèmes d’enregistrement de la police et du ministère public.»
Cet article est paru dans le Télépro du 16/3/2023
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