Histoire : les pays baltes face à Moscou
Les pays baltes craignent une invasion russe. De Staline à Poutine, ils vivent encore et toujours dans la peur de Moscou.
Jusqu’où ira Poutine ? Depuis bientôt trois ans, avec la guerre en Ukraine, il montre son intention de reconquérir les territoires qui composaient jadis l’URSS et la Russie des tsars. Il inquiète le monde. Mais effraie d’abord ses plus proches voisins : les pays baltes. L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ne sont pas prêtes à sacrifier l’indépendance qu’elles ont conquise au prix d’énormes souffrances. Comme le rappelle le documentaire «Frères de la forêt. Des résistants face à l’URSS», diffusé samedi à 20h35 sur La Trois.
Ennemis du peuple
L’histoire commence en août 1939, à la signature du Pacte germano-soviétique. Officiellement, c’est un traité de non-agression entre l’Allemagne nazie et l’URSS. Mais un protocole secret permet à Staline de faire ce qu’il veut des pays baltes, indépendants depuis 1918… En 1940, à la suite d’élections truquées, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie deviennent donc des Républiques socialistes soviétiques. Dans les mois qui suivent, les « ennemis du peuple » sont arrêtés : anciens responsables politiques, militaires, prêtres, enseignants… Rien qu’en Lettonie, où la population n’atteint pas 2 millions d’habitants, 15.524 personnes sont déportées vers la Sibérie. 9.400 meurent en chemin. Pour échapper au pire, certains se terrent alors dans les bois durant des mois.
Le faux espoir nazi
En juin 1941, Hitler rompt le Pacte germano-soviétique, déclenche l’opération Barbarossa et occupe les pays baltes. La population croit être libérée. Il n’en est rien. Juifs et Roms sont pourchassés (ils seront plus de 200.000 à perdre la vie), tandis que les Baltes « assimilables » sont enrôlés de force dans l’armée allemande.
Quand l’Armée rouge reprend le dessus, en 1944, c’est elle qui enrôle à son tour. Puis elle se livre à une répression terrible sur le reste de la population, accusée d’avoir collaboré avec le Reich. De nouveau, les gens n’ont d’autre solution que de se réfugier dans les bois. Mais cette fois, un véritable mouvement est mis sur pied : les Frères de la forêt. 170.000 hommes et femmes bien décidés à contrer l’occupation soviétique. Moscou ne s’inquiète pas de cette poignée de boy-scouts. Pourtant, ils sont déterminés et connaissent leur territoire. Ils creusent des abris souterrains où toute une vie s’organise. Certains s’y marient pendant que d’autres y accouchent… Avec le soutien des villageois qui les ravitaillent régulièrement.
De bandits à héros
La Seconde Guerre mondiale terminée, la résistance balte se poursuit. Moscou donne alors un coup d’accélérateur à la répression. Les Soviétiques incendient les fermes qui alimentent les Frères de la forêt. Ils exposent dans les villages les corps des partisans arrêtés et exécutés. Ils emmènent les autres dans des prisons secrètes où ils sont torturés. D’autres encore sont déportés. On estime qu’entre 1944 et 1953, plus de 50.000 Baltes meurent dans ce conflit alors que 500.000 sont déportés en Sibérie.
En 1953, à la mort de Staline, le nouveau pouvoir soviétique propose l’amnistie aux Frères. Bon nombre d’entre eux acceptent, d’autres se battront jusqu’au bout. En 1986, quelques mois après l’arrivée de Gorbatchev au Kremlin, les Baltes seront les premiers à manifester. Avec, en première ligne, quelques anciens partisans. Et en 1990, ils seront les premiers à déclarer leur indépendance, entraînant l’inévitable chute de l’URSS. Longtemps considérés comme des bandits, les Frères de la forêt sont désormais des héros.
Cet article est paru dans le Télépro du 16/1/2025
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