Histoire : la dénazification massive des bébés soldats d’Hitler
En 1945, à l’écart des soldats adultes du Reich emprisonnés, l’armée US soumet 10.000 très jeunes recrues du Führer à un plan de rééducation.
À la fin de la Seconde Guerre, la section «Baby Cages» du camp français d’Attichy (Oise), a accueilli 10.000 enfants et ados allemands endoctrinés afin de les ramener vers la tolérance et la démocratie.
Peut-on sortir d’une doctrine extrémiste ? Un documentaire de «Retour aux sources» (La Trois, samedi à 20h40) se penche sur la question.
Jeunesse sacrifiée
1944. La domination de l’Allemagne nazie touche à sa fin. Pourtant, durant ces derniers mois, Hitler nie l’évidente défaite. Dans une tentative démente d’inverser le cours de la guerre, il alimente son armée avec des recrues de plus en plus jeunes. Ces petits soldats sont soumis à une propagande nazie intense et envoyés dans des combats perdus d’avance.
Qu’est-il advenu de ces enfants soldats ? Depuis la nuit des temps, l’Histoire est surtout alimentée par les récits des vainqueurs des grandes guerres ayant agité notre monde. Heureusement, des témoins de l’autre camp, celui des perdants, ont parfois eu à cœur de narrer leur version des récits belliqueux. C’est le cas de Winfried Börsch qui a raconté son parcours d’enfant soldat, puis de prisonnier de guerre, à sa fille Marie Börsch, réalisatrice du documentaire «Baby Cages».
Entre 8 et 17 ans
En 1945, la Wehrmacht s’effondre et des milliers de soldats du Reich sont capturés dans toute l’Europe. Parmi eux, les Alliés découvrent des enfants de 8 à 17 ans. 10.000 de ces très jeunes combattants sont faits prisonniers par l’armée US. Winfried Börsch en fait partie, il a 16 ans.
Très vite, les GI comprennent qu’ils ont été intensivement endoctrinés et ils sont alors considérés comme des victimes du régime nazi. Au printemps 1945, les Américains les envoient dans le camp d’Attichy, dans l’Oise, en France. Ils y sont séparés des détenus adultes en vue d’être désendoctrinés. Une section spéciale est créée pour eux, appelée «Baby Cages».
Mission rééducation
«L’écrivain Günter Grass, auteur du « Tambour » et prix Nobel de littérature, fut l’un d’eux», explique dans le documentaire Marc Pilot, président de la Société d’histoire moderne et contemporaine de Compiègne. «Il a notamment dit « nous étions trop jeunes pour être nazis, mais assez âgés pour être modelés par le régime ».»
L’enjeu est donc énorme à Attichy : surtout ne pas répéter les mêmes erreurs qu’au sortir de la Première Guerre. Pour ce faire, il faut concevoir l’Allemagne d’après-guerre comme une possible alliée contre un futur bloc communiste. Et donc, s’occuper de ces milliers de jeunes cerveaux pollués par la propagande nazie.
Humanisme à la dure
Mais comment désendoctriner des esprits qui n’ont presque rien connu d’autre que le IIIe Reich ? Jamais auparavant une armée victorieuse n’a été face à des ennemis aussi jeunes. Pour mener à bien la rééducation de ces enfants et ados fanatiques, une sorte d’école est mise sur pied. «Elle est encadrée par des théologiens et des profs allemands prisonniers triés sur le volet, afin de guider les jeunes vers un esprit de tolérance et de démocratie», explique le documentaire.
S’il est difficile d’estimer à quel point ce plan de rééducation fut une réussite, pour Winfried Börsch «les « baby cages » des Américains ont été une œuvre d’humanité et d’amour du prochain vis-à-vis de la jeunesse allemande. Celle-ci qui, avant, n’avait connu que la prédication de la haine».
Si les détenus de «Baby Cages» ont «bénéficié» de conditions de détention plus favorables que les prisonniers adultes, ce district d’Attichy n’avait toutefois rien d’un camp de détente. Il a d’ailleurs été surnommés «camp de la faim» tant les jeunes allemands y ont souffert d’un manque de nourriture…
Cet article est paru dans le Télépro du 20/5/2021
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