Histoire insolite : des impôts un peu farfelus

Par sa taxe sur l’urine, Vespasien a donné son nom aux urinoirs publics, les vespasiennes © Isopix
Stéphanie Breuer Journaliste

De tous temps, le citoyen a dû mettre la main au portefeuille pour payer des impôts et taxes en tous genres.

«En ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts», disait l’homme politique américain Benjamin Franklin. En effet, de tous temps, les États ont dû trouver des solutions pour remplir leurs caisses sur le dos des citoyens.

Si certains dirigeants taxent avec sagesse et raison – à l’instar de l’empereur romain Tibère qui aurait répondu à ses gouverneurs locaux lui demandant d’augmenter les impôts : «Le bon berger tond les moutons, il ne les écorche pas» -, d’autres ne manquent pas d’imagination. À l’occasion du documentaire «Histoire populaire des impôts» (mardi 20.55, Arte), tour d’horizon des taxes les plus insolites de l’Histoire.

Qu’ils soient chinois, grecs, égyptiens ou romains, les citoyens de l’Antiquité doivent mettre la main au portefeuille via un système de taxation sur les terres et les biens. Et déjà, certains gouvernants font preuve d’inventivité. En l’an 69, l’empereur Vespasien, confronté aux finances catastrophiques de Rome, établit un impôt qui va faire sa réputation. Il taxe l’urine, utilisée par les foulons-teinturiers comme détergent pour traiter les fibres textiles. À son fils Titus qui s’offusquait de tirer profit d’une matière nauséabonde, l’empereur aurait répliqué : «L’argent n’a pas d’odeur» !

Haro sur la barbe

À côté de la célèbre gabelle (impôt sur le sel, indispensable pour la conservation des aliments) instaurée en France au Moyen Âge, d’autres impôts étonnants voient le jour. En Angleterre, le roi Henri VIII décide de taxer, dès 1535, le port de la… barbe ! Sa fille, Élisabeth Tudor, suit son exemple en taxant les barbes qui n’ont pas été rasées depuis deux semaines. Une idée reprise en 1704 par le tsar Pierre le Grand en Russie, qui fera même porter aux hommes barbus un jeton attestant du paiement de cet impôt annuel.

Encore outre-Manche, les cheminées et les fenêtres sont taxées, à partir du XVIIe siècle. Une idée sans doute inspirée par l’«ostiarium» (taxe sur les portes des maisons) de Jules César et reprise, en France, en 1798. Conséquence : de nombreuses fenêtres sont condamnées au détriment de l’hygiène et de la santé publique.

Déjà des paradis fiscaux

Cela dit, les Européens n’ont pas l’apanage des idées saugrenues en matière de fiscalité. En 1885, le Canada instaure une taxe sur les Chinois du pays, participant à la construction du réseau de chemins de fer. Cette taxe, réduisant de facto l’immigration chinoise, ne sera abolie qu’en 1923. Mais, face à l’imagination des chefs d’États pour inventer de nouvelles taxes, les contribuables n’ont pas à rougir.

En effet, ceux qui ont tenté de frauder le fisc et les paradis fiscaux ne datent d’ailleurs pas d’hier. «Dès l’Antiquité, certains marchands s’arrangent pour finaliser leurs transactions dans les zones exemptes de taxes», écrit Frédéric de Monicault dans «Les Paradis fiscaux ? Ils existent depuis l’Antiquité» (Historia). «Vers 200 ans avant J.-C., Délos, une petite île des Cyclades, devient un centre névralgique du commerce méditerranéen. Et pour cause, ce port franc avant l’heure abolit à la fois les taxes, les impôts et les droits de douane. Au Moyen Âge, les zones franches sont des paradis fiscaux par excellence.»

C’est le cas des États du Pape, des îles anglo-normandes ou des villes hanséatiques (comme Hambourg et Lübeck). Certes, les temps changent. Mais en matière fiscale, c’est toujours la même rengaine…

Cet article est paru dans le Télépro du 2/6/2022

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici