Hériter… ou pas : «Tu n’auras rien !»

Paris avec son grand-père William Barron Hilton (1927-2019). Ce dernier a légué 97 % de sa fortune à des œuvres humanitaires, comme l’avait fait son père © Getty Images

Déshériter son mari, sa femme, ses enfants : la guerre de succession est déclarée ! Ce mercredi à 23h05, France 2 diffuse un documentaire intitulé «Ma part d’héritage».

«Déshéritage» ? Ne cherchez pas au dictionnaire : contrairement à son supposé antonyme «héritage», le terme n’existe pas. Si vous souhaitez priver une personne d’un héritage qu’elle est en droit d’obtenir ou qu’elle espérait recevoir, vous utiliserez le mot «déshéritement».

Son emploi ne fourmille pas dans les conversations quotidiennes. En revanche, l’idée vous a peut-être déjà traversé l’esprit à plus d’une reprise et bien des études de notaires résonnent encore du bruit de véritables guerres de succession déclarées à l’ouverture d’un testament.

L’envie d’avoir envie

Dans la presse people, les exemples sont légion. Prenez la famille Hallyday. À la mort du rocker français le 5 décembre 2017, le clan semble uni, solide. Embrassades et gestes de compassion à l’appui entre l’épouse, Laetitia, et les enfants, Laura et David, la complicité apparaît sur tous les clichés. Les choses se gâtent à l’ouverture du testament : aucun bien matériel, pas un souvenir sentimental, rien pour Laura et David.

La loi française n’autorise pas le déshéritement des enfants, mais le document a été réalisé aux États-Unis où la législation est différente et la pratique loin d’être inhabituelle. Quelques personnalités connues n’en font d’ailleurs pas un secret. Leurs motivations sont à géométrie variable.

Entre honte et mérite

En 2007, Barron Hilton, le richissime propriétaire de la chaîne d’hôtels éponyme et grand-père de la starlette Paris, l’annonce : à sa mort, 97 % de sa fortune (alors estimée à 2,5 milliards de dollars) iront à une fondation caritative. Son père, fondateur de l’entreprise, l’a fait avant lui. Bill Gates prend la même décision.

Avec d’autres multimillionnaires et multimilliardaires (dont Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook), il s’engage, dans une lettre ouverte, à léguer ses biens (on parle quand même de près 78 milliards de dollars…) à des œuvres de bienfaisance. Il estime que «trop d’argent risque d’avoir un effet négatif» sur ses trois enfants, qui hériteront malgré tout de 7 millions de dollars chacun.

La méritocratie, la nécessité pour les enfants de gagner leur vie grâce à leur travail, c’est aussi ce qui a incité le chanteur Elton John (280 millions de dollars), le basketteur Shaquille O’Neal (400 millions de dollars) ou l’acteur Ashton Kutcher à ne pas léguer leur fortune à leurs enfants.

Quant au chanteur Sting, il devrait avoir tout dépensé : les noms de 100 personnes sont couchés sur son testament et il entend respecter ses engagements.

Protection

Chez nous, pareilles situations ne seraient pas possibles. Comme le mentionne le site notaire.be, l’auteur du testament ne peut disposer que d’une partie de sa succession. Pour protéger certains héritiers – le conjoint survivant, marié, et les (petits-)enfants -, la loi prévoit en effet l’existence d’une part minimale appelée «réserve». Pour les (petits-)enfants, la réserve représente la moitié du patrimoine. Pour le conjoint survivant, elle consiste en «au moins une moitié en usufruit avec priorité à tout le moins sur l’immeuble du domicile conjugal et les meubles qui le garnissent». Comprenez : il peut rester dans ses meubles et dans ses briques jusqu’à son décès.

La phrase «Tu n’auras rien !» ne s’applique donc pas aux testaments rédigés en Belgique. Vous pouvez même hériter de dettes. Que vous pouvez refuser, du reste. Mais ça, c’est une autre histoire.

Cet article est paru dans le Télépro du 10/3/2022

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