Haro sur la pauvreté

17 % des Belges ont du mal à joindre les deux bouts © Getty
Stéphanie Breuer Journaliste

Alors qu’à la crise sanitaire s’ajoute, pour de nombreux Belges, une crise économique, le magazine «Tout s’explique» s’intéresse à la pauvreté, ce jeudi à 19h50 sur RTL-TVI.

En chiffres

En 2020, 10,9 % de la population belge était confrontée à une situation de privation matérielle et sociale, ressort-il des résultats provisoires tirés d’une enquête menée par l’office de statistique Statbel.

Une personne est considérée en telle situation quand elle ne peut se permettre un niveau de vie «standard», soit quand au moins cinq des biens matériels ou actions suivantes lui sont impossibles : payer ses factures à temps, partir en vacances une semaine par an, manger de la viande, du poulet ou du poisson tous les deux jours, faire face à une dépense imprévue, s’offrir une voiture, chauffer convenablement son domicile, remplacer des meubles abîmés ou des vêtements usés, posséder deux paires de chaussures, avoir Internet à domicile, aller boire un verre une fois par mois, participer régulièrement à une activité de loisirs et dépenser une petite somme pour soi-même chaque semaine.

Les disparités sont grandes selon les régions. Ainsi, une situation précaire concerne 21,7 % des Bruxellois, contre 15,5 % des Wallons et 6,3 % des Flamands. Par ailleurs, environ un quart des Belges n’étaient pas en mesure de faire face à une dépense imprévue. Et 17 % indiquent avoir des difficultés à joindre les deux bouts.

Une notion née outre-Manche

Si aujourd’hui le lien entre pauvreté et argent est évident, il n’en a pas toujours été ainsi. Comme l’explique le médiéviste Jacques Le Goff dans la revue «L’Histoire» («Les Pauvres de Job à Martin Hirsch»), «la pauvreté ne se définit pas par rapport à l’argent. Car l’argent n’est pas une valeur au Moyen Âge et l’économie est très peu monétarisée. Le pauvre, c’est le faible par opposition au puissant (…) ; c’est le malade, l’estropié, le marginal, l’infirme, l’aveugle, le déficient mental, l’orphelin…»

Aujourd’hui, la pauvreté se définit par rapport à l’indicateur du seuil de pauvreté. Celui-ci peut être absolu pour les pays en développement et d’autres comme les États-Unis ou relatif (60 % du revenu médian, en Europe) pour les pays développés.

Cette notion de seuil de pauvreté a été fixée suite aux travaux de Benjamin Seebohm Rowntree, un prospère industriel anglais. En 1899, il entreprend, dans sa ville d’York, de définir un «seuil de pauvreté» en calculant le minimum nécessaire à tout individu pour se nourrir, se loger et s’habiller. Il distingue, en outre, la pauvreté primaire touchant les familles dont les revenus sont insuffisants pour assurer leur subsistance de la pauvreté secondaire, touchant les familles qui dilapident des revenus suffisants dans des dépenses inutiles et déraisonnables (jeu, alcool….).

Le visage de la pauvreté

Jeff Bezos, Elon Musk, Bill Gates, Mark Zuckerberg… Chaque année, le magazine Forbes propose un classement des plus grosses fortunes mondiales. Pour sensibiliser l’opinion publique à l’extrême pauvreté, l’ONG américaine Fund for Peace a établi, il y a quelques années, un classement de cent personnes parmi les plus démunies de la planète. «The Bottom 100 a été lancé pour donner un visage et une voix aux gens à l’autre bout de la World’s Rich List», écrit la fondation sur son site bottomhundred.org.

Pendant deux ans, des journalistes et photographes du monde entier ont rassemblé cent histoires, issues de vingt-trois pays sur les cinq continents. Un projet qui a permis de mettre en avant les quotidiens de Laura Napeyok, une Ougandaise vivant dans un camp de réfugiés avec ses sept enfants ; de Prem Bahadur Lama, habitant dans un bidonville du Népal, qui a travaillé dix heures par jour durant 45 ans pour 5 dollars par jour ; ou d’Elena Herrera Garcia, une Chilienne qui travaille 350 jours par an à laver les bouteilles de verre usagées à l’usine de recyclage.

Pauvre comme Job

De ceux qui ne sont pas «riches comme Crésus», on peut dire qu’ils sont «fauchés comme les blés», «dans la dèche», ou qu’ils «n’ont pas un radis». Plus littéraire, l’expression «pauvre comme Job» fait référence à un personnage biblique. Mais, comme l’écrit Jean-Christophe Attias dans «Riche comme Job» (L’Histoire), «le Job de l’Écriture est loin d’être ce sans-le-sou qu’on imagine… C’est même tout le contraire.»

Homme juste et intègre, Job va être mis à l’épreuve par Satan, avec le consentement de Dieu. Ainsi, il perd ses enfants, ses troupeaux, ses esclaves, ses richesses et la santé. Malgré tout, il garde sa foi en Dieu et ne peut croire à une punition divine. Face à cette foi à toute épreuve, Dieu décide de lui rendre la santé et le double de ses richesses. « »Riche comme Job » ? L’expression n’existe pas», conclut l’historien. «Elle ne serait pourtant pas moins légitime que l’autre. Elle le serait peut-être même davantage.» 

Cet article est paru dans le Télépro du 6/5/2021

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