Harcèlement scolaire : comment réagir ?
Influence des réseaux sociaux, recrudescence du cyberharcèlement : la rentrée scolaire peut être une source d’angoisse pour nos enfants qui viennent de reprendre le chemin de l’école. Ce jeudi à 19h50 sur RTL tvi, «Tout s’explique» s’intéresse au harcèlement scolaire.
Comment réagir en cas de harcèlement scolaire ? Bruno Humbeeck, psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires, répond à nos questions.
Quels sont les chiffres du harcèlement scolaire en Belgique ?
Les chiffres n’ont pas beaucoup de sens car le harcèlement est un phénomène que l’on ne peut pas quantifier. C’est plus un phénomène qualitatif, un enfant est plus ou moins harcelé. Les chiffres vont dans tous les sens et varient d’un enfant sur dix à neuf enfants sur dix.
Les écoles sont-elles équipées pour y faire face ?
Pas toutes, mais il y en a de plus en plus. La Fédération Wallonie-Bruxelles avance lentement, mais sûrement. Il faut éviter que chaque école s’équipe n’importe comment. La majorité des écoles sont désormais au courant que des outils validés existent, qui ont fait leurs preuves.
Quels sont ces outils ?
Ce sont des méthodes pour favoriser l’empathie, la prise de parole et le vivre ensemble, afin que les émotions soient dites et non contredites. Il y aussi des outils contre le cyberharcèlement car celui-ci est quasiment systématique en cas de harcèlement : il existe des sanctions que les écoles peuvent appliquer sans devoir enquêter. La loi interdit le harcèlement sur les réseaux sociaux.
Par contre, il n’y a pas de loi spécifique au harcèlement scolaire…
Des lois sont en train de se mettre en place, mais l’école doit anticiper les avancées de la loi, elle est obligée de réagir et de mettre un dispositif en place. Nous avons l’obligation d’avoir des réponses institutionnelles.
En France, un décret permet désormais de changer le harceleur d’établissement. Le pays est-il en avance ?
Non, au contraire ! Le harcèlement scolaire est devenu une préoccupation nationale majeure en France, mais leurs outils pédagogiques sont en retard. Expulser le harceleur n’a pas de sens car il s’agit généralement d’un groupe, d’un leader entouré de sa cour, le coupable est difficile à identifier. C’est une violence invisible, très rapide, sans signe précurseur. Il n’existe pas de profil type du harceleur, comme il n’existe pas de profil type de victime, ça peut tomber sur n’importe qui. Les victimes qui ont été jusqu’à se suicider étaient de belles jeunes filles ou de beaux jeunes garçons sans problèmes : ils ont tout à coup suscité l’envie des autres et ont été massacrés par un groupe. Il est illusoire de croire que le problème sera résolu en excluant le harceleur car il s’agit d’un phénomène de groupe.
Le harcèlement scolaire concerne-t-il tous les niveaux de l’enseignement ?
Le harcèlement existe dans tous les groupes humains, partout où il y a des jeux de pouvoir. En maternelle, cela commence par des bousculades. Plus l’enfant grandit, plus cela prend des formes identitaires et l’intégration devient difficile. Dans les écoles, on peut observer qu’à partir de janvier, les groupes sont constitués et s’agressent à l’intérieur pour renforcer leur cohésion. C’est le même mécanisme dans l’enseignement supérieur et dans la vie professionnelle. Ce n’est pas une question d’âge ni de niveau intellectuel. Le harcèlement existe dès qu’on laisse les rapports de force dégénérer, jusqu’à réduire l’autre à l’impuissance.
Quel conseil donneriez-vous aux parents ?
Une vigilance sereine ! Il ne faut pas dramatiser les petites difficultés d’intégration qui sont tout à fait normales. Mais il ne faut jamais minimiser le vécu de l’enfant. Il faut rester attentif à ses émotions : s’il a peur, s’il est triste, s’il est en colère… Dans ce cas, il faut relayer ces émotions à l’école : sans se plaindre de harcèlement, les parents doivent expliquer aux écoles que leur enfant a peur, est triste ou en colère. Sinon, ces émotions deviennent chez l’enfant des états d’âme qui se cristallisent en sentiments…
Cet article est paru dans le Télépro du 31/8/2023
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