Guerre des gangs en Suède

Quelques minutes après l'explosion à Uppsala © Getty Images

Des affrontements mortels entre bandes rivales secouent le pays scandinave. La contagion à d’autres États voisins menace. Ce vendredi à 18h55, Arte diffuse «Suède : la guerre des gangs s’intensifie».

Mercredi 27 septembre 2023, 19 h. Comme chaque semaine, de nombreux jeunes Suédois se sont donné rendez-vous au complexe sportif Mälarhöjden, dans le sud de Stockholm. Certains terminent leur entraînement de tennis, d’autres leur rencontre de hockey sur glace. À l’extérieur, plusieurs équipes de foot achèvent leur échauffement. La routine. Avant le drame.

Des coups de feu claquent, des pneus crissent, une voiture démarre en trombe. Puis le silence. Aucun des jeunes sportifs n’est blessé. Un miracle. Mais quelqu’un gît malgré tout au sol. Très vite, il est identifié. Il s’agit d’Adouli, un rappeur suédo-éthiopien. Il n’a que 18 ans. Il vient de perdre la vie, criblé de balles. Ce n’est que le début d’une nuit infernale.

Quelques heures plus tard, nouvelle fusillade, dans la capitale suédoise. Bilan : un blessé et un mort. Peu avant l’aube, c’est une explosion qui ravage une maison des environs d’Uppsala, à près de 70 kilomètres au nord. Quatre maisons sont dévastées. Une jeune femme de 25 ans perd la vie. Elle était étudiante et n’a aucun lien avec le milieu criminel. Par contre, son voisin…

État de choc

La cible visée par l’attentat, c’est lui. Il est parent avec Rawa Majid, un dangereux criminel turco-suédois surnommé «le renard kurde». Réfugié en Turquie (qui n’extrade pas ses nationaux), il est à la tête du gang Foxtrot. Un de ses anciens lieutenants, Mikael Tenezos dit «le Grec», a fait cession. Il a assassiné la mère de Majid en 2022. Depuis lors, les deux bandes se livrent une lutte sanglante pour le leadership du crime organisé et du trafic de drogue en Suède.

Début 2023, le Premier ministre suédois dénonçait déjà une situation «incontrôlable». Au lendemain de la nuit meurtrière, Ulf Kristersson annonce dans un discours à la nation qu’il envisage de faire appel à l’armée pour aider les forces de police, insuffisamment équipées.

Explosif

Le chiffres sont détonants. Selon les statistiques de la police, 346 fusillades ont eu lieu en Suède de janvier à novembre 2023. 52 étaient mortelles. Quant au taux de mortalité dû à la criminalité armée, il est le deuxième plus élevé d’Europe, après celui de l’Albanie.

Les raisons évoquées pour expliquer ce climat explosif sont multiples. Le Premier ministre (d’un gouvernement de coalition dominé par l’extrême droite) pointe du doigt «une immigration irresponsable et l’échec de l’intégration». La télévision publique suédoise SVT cite la circulation des armes en provenance des Balkans et fabriquées en 3D, donc impossibles à tracer : seuls 25 % des crimes commis sont résolus. Autre élément marquant : l’âge des membres des gangs. Les criminels recrutent essentiellement des mineurs. L’année dernière, la police révélait que la moitié des personnes détenues dans des affaires en cours à Stockholm avaient moins de 18 ans. «Des suspects n’ont pas plus de 13 ans», certains n’hésitent pas à parler d’enfants soldats.

Contagion

En Scandinavie, des pays voisins sont inquiets. Les titres de la presse sont éloquents : «Finlande : un trafic de drogue lié au crime organisé suédois démantelé», «La criminalité des gangs suédois s’étend à la Norvège»… Ce pays, notamment, craint de voir la flambée de violence s’exporter sur son territoire. En témoigne une déclaration du chef de sa police : «Les criminels norvégiens achètent des armes et des explosifs aux criminels suédois», n’hésite-t-il pas à déclarer.

La Suède actuelle ? Une version bien différente de celle, caricaturale, que nous pouvons avoir du pays d’Ikea, d’Abba, des blond(e)s aux yeux bleus et de la libération sexuelle. Sur 10,4 millions d’habitants, 30.000 seraient impliqués dans la criminalité liée aux gangs.

Cet article est paru dans le Télépro du 23/5/2024

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