Génocide arménien : l’horreur et le déni

Le Mémorial du génocide à Erevan, capitale de l'Arménie © Getty Images

Retour sur le premier massacre d’une population à grande échelle du XXe siècle, à l’occasion de la diffusion ce samedi à 22h35 par RTL tvi du film «Le Lieutenant ottoman».

Curieuse coïncidence que la sortie simultanée en 2017 de deux films. Tous les deux se déroulent à l’époque du génocide arménien, l’un qui le dénonce, l’autre pas. Diffusé samedi soir sur RTL tvi, «Le Lieutenant ottoman» refuse ainsi de l’évoquer. Il faut dire que ce film hollywoodien de Joseph Ruben, avec Josh Hartnett et Ben Kingsley, a été coproduit par la Turquie. On évoque même une intervention financière de la famille Erdogan…

L’autre long métrage, «La Promesse», de Terry George, est à l’époque passé étrangement inaperçu. Le film abordait sans détour les nombreux massacres dont ont été victimes les Arméniens alors que les yeux du monde étaient tournés vers les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Retour sur le premier génocide du XXe siècle, qui suscite toujours des crispations internationales.

Le fanatisme des Jeunes-Turcs

Au départ, les Arméniens constituent environ 10 % de la population de l’Empire ottoman. Ils sont considérés comme des citoyens de second rang. Alors qu’ils se révoltent contre l’énormité des taxes qui les frappent, entre 100.000 et 300.000 d’entre eux sont massacrés entre 1894 et 1896.

Le mouvement des Jeunes-Turcs, qui s’oppose à l’absolutisme du sultan, redonne espoir aux Arméniens. Malheureusement, ils doivent très vite déchanter, les Jeunes-Turcs voulant instaurer un pays musulman et ethniquement homogène. Dans la nuit du 26 avril, entre 20.000 et 30.000 Arméniens sont massacrés dans la province d’Adana. Les Jeunes-Turcs sont à la tête du pouvoir jusqu’en 1918.

En 1913, après avoir perdu leurs territoires dans les Balkans à la suite de plusieurs conflits militaires, les Turcs se recentrent en Anatolie où vivent de nombreux Arméniens. Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, certains Arméniens rejoignent les rangs de l’Armée russe, alors alliée aux puissances occidentales. Ils fournissent ainsi le prétexte recherché par les autorités turques pour s’en prendre aux Arméniens qu’ils considèrent dorénavant comme des agents au service de l’étranger. Dès lors, il n’y a plus aucune limite dans la répression mise en place sous l’égide de l’Organisation secrète, la police politique.

Massacre à grande échelle

Les premiers massacres débutent non loin du lac de Van. Ils annoncent les persécutions impitoyables qui s’ensuivent et débutent par le désarmement des soldats arméniens enrôlés dans l’armée turque. Le débarquement allié dans les Dardanelles provoque en représailles l’arrestation puis la déportation des élites arméniennes à Istanbul qui sont ensuite massacrées. Dans l’Est du pays, les Arméniens sont systématiquement arrêtés et tués sur place.

En février 1916, ultime étape de ce chemin vers l’horreur, les survivants sont déportés en chemin de fer et au-delà d’Alep, exécutés par le fil l’épée. Le tout est couvert par une loi promulguée en 1915 légitimant la déportation des Arméniens et la confiscation de leurs biens. À la fin de la guerre, seuls 500.000 Arméniens ont survécu au génocide pour trois fois plus de morts reconnus.

Le déni turc

Dès le printemps 1915, les Alliés jugent comme crimes contre l’Humanité les massacres des Arméniens. La Première Guerre mondiale terminée et l’Empire ottoman démantelé, la chasse aux responsables du génocide est lancée en Turquie par les Turcs eux-mêmes, et à l’étranger souvent par des Arméniens qui recourent à l’assassinat dans le cadre d’une opération appelée Némésis.

Si grand nombre de pays dans le monde ont reconnu le génocide, ce n’est pas le cas de la Turquie qui, si elle admet des déportations et des massacres, refuse ce terme synonyme de planification. Et ce n’est certes pas la mise en place du nouveau gouvernement Erdogan qui assurera cette reconnaissance. Rappelons qu’il compte en son sein une ancienne députée bruxelloise exclue de son parti pour avoir refusé de reconnaître le génocide arménien… 

Cet article est paru dans le Télépro du 15/6/2023

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