«Gaïaland» : l’utopie écologiste

«La Tribu» réunie autour de Norman William. Elle est mieux connue en Belgique sous le nom d’Écoovie. © RTBF/Ilko Okkonen

Coproduite par la Belgique, la France et la Finlande, une série documentaire retrace l’ahurissant parcours d’une communauté à l’idéalisme poussé à l’extrême. À voir ce dimanche à 20h50 sur La Une.

À l’orée des années 1980, de jeunes gens se préoccupaient déjà du devenir de la planète et souhaitaient revenir à une existence plus proche de la nature en vivant dans des tipis, en pratiquant le véganisme et en proposant leurs produits bio. Surnommés «La Tribu», ils souhaitaient construire leur «Gaïaland», utopie écologiste.

Aujourd’hui encore, leur projet fait écho aux préoccupations actuelles, mais leurs élans ont tourné court sous la houlette manipulatrice de leur «guide» dont les intentions étaient moins sincères que les leurs. Des archives inédites et des témoignages d’ex-membres offrent une immersion complète et relatent comment leur rêve a viré au cauchemar.

Mise en garde

«Avec cette œuvre, nous voulons faire vivre aux spectateurs des émotions fortes qui les amènent à réfléchir sur le monde et notre époque», explique la productrice Elodie Polo Ackermann. «Nous souhaitons qu’elle reflète la beauté de l’engagement des personnages, mais soit aussi une sorte de mise en garde contre toute forme de manipulation et d’extrémisme».

La secte Écoovie

«La Tribu», surnommée aussi Université itinérante de la liberté, Iriadamant, puis Écoovie, est créée en 1978, à Paris, par le Québécois Joseph Maltais qui se fait aussi appeler Norman William et prétend être un Indien Micmac ( peuple autochtone de la côte nord-est d’Amérique). S’intéressant à la question de savoir comment survivre à des années de besoin, il parvient à réunir autour de lui de jeunes Français et Belges.

Le groupe, à la fois écolo et naturiste, a pour ambition de proposer une façon de vivre plus respectueuse de l’environnement afin de trouver le moyen de sauver la Terre. Les membres travaillent bénévolement, sans protection sociale. Ressemblant à de gentils hippies entourés de leurs enfants, ils se déplacent à travers l’Europe – France, Espagne, Portugal, Italie, Maroc, Belgique, Suède et Finlande – où ils font des émules.

Abus et carences

Mais cet apparent bonheur de vivre cache des pratiques inquiétantes. Leur chef Norman William impose de longs jeûnes et un végétalisme frugal censé respecter le cycle naturel, mais ce régime est fortement carencé. Adultes et enfants sont affaiblis. Le «gourou» aurait aussi abusé de plusieurs adolescents.

La communauté est alors considérée comme une secte. Celle-ci semble se désintégrer et Norman disparaît. Il est retrouvé, arrêté et jugé, en 1993, pour escroquerie à Bruxelles. Puis expulsé. L’homme et sa tribu, désormais baptisée Iriadamant, réapparaissent ensuite dans le nord de l’Europe.

Un été dans la secte

Une jeune femme, Pia Hellertz, a croisé le gourou lors d’une conférence en Suède, sur invitation de la Swedish Vegan Association. Elle raconte sur son site comment ce «chaman» parlait avec persuasion des méthodes agricoles, de la façon dont on gère mal nos forêts et dont nous surconsommons. Autorisée à passer un été dans la secte, elle a pris photos et notes : «J’ai pu constater à quel point ils savaient séduire les gens venus en visite».

Le groupe cultive le concept d’«irénologie» (doctrine de la paix) : «Cela parle d’une société qui a éliminé toutes les causes de conflit. L’harmonie est totale». En vrai, ce n’est pas le cas pour les «fidèles» qui, installés en Finlande, ne sont pas équipés pour résister à des températures de -30° C et doivent repousser leurs limites. La communauté est expulsée du pays. Elle resurgit au Canada en 1997. Aux dernières nouvelles, Norman William/Joseph Maltais serait décédé en 2015.

Cet article est paru dans le Télépro du 29/9/2022

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