Frontières, repli sur soi…
Dimanche à 20h05 sur Arte, le magazine «Vox pop» revient sur les fantasmes de l’immigration.
Les images sont saisissantes. Arrivés par la mer à la nage, des dizaines de femmes, d’hommes, d’enfants arrivent sur les plages de l’enclave espagnole de Ceuta. Ces migrants viennent du Maroc, tout proche. Ils sont près de six mille, originaires d’Afrique subsaharienne, à tenter d’entrer dans l’Union européenne par une des deux frontières terrestres qu’elle a avec l’Afrique.
Juste un petit crochet par la mer et ils y sont. Enfin… presque. Les forces de l’ordre espagnoles déploient les grands moyens pour empêcher le flot humain de se déverser sur le territoire espagnol et expulser ces personnes au plus vite dès leur arrivée sur la terre ferme.
Mi-mai, cet épisode remet à la une de l’actualité une réalité presque oubliée depuis un an. Le covid n’a pas endigué les rêves d’une autre vie meilleure, ailleurs.
Diminution
En Belgique, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) «octroie l’asile et délivre des documents aux hommes, aux femmes et aux enfants qui fuient la persécution, la guerre ou la violence». Il a publié son rapport pour l’année 2020. Conclusion : une diminution du nombre de demandes de protection dans notre pays, comme dans les autres États membres de l’Union européenne. 16.910 personnes ont introduit une demande de protection internationale. Elles étaient près de 28.000 en 2019.
«Il faut remonter à l’année 2008 pour avoir un nombre de demandes aussi peu élevé», constate le CGRA qui ajoute : «Cette diminution est clairement due au contexte du covid». L’analyse des statistiques, mois par mois, le prouve. En janvier, le nombre de demandes reste élevé puis s’écroule jusqu’au mois d’août, à partir duquel le nombre de demandeurs reprend sa courbe vers le haut.
Origines
Outre l’ampleur, la migration de 2020 se différencie de celle de l’année précédente par sa nature. Dans l’Union européenne, on constate qu’elle diminue considérablement depuis la Turquie vers la Grèce. Par contre, elle augmente vers l’Italie, Malte, Chypre et l’Espagne. Dans ce pays, les îles Canaries deviennent une des destinations principales des migrants.
Les pays dont ceux-ci sont majoritairement originaires restent par contre identiques en 2020 et en 2019. L’Afghanistan reste le pays d’origine le plus fréquent avec cette particularité : en 2020, l’augmentation est principalement due à l’arrivée de mineurs non accompagnés. Suivent la Syrie, l’Irak, l’Érythrée, la Palestine, la Somalie et la Turquie. Dans un cas sur trois, le CGRA a considéré que le demandeur avait effectivement besoin d’une protection. Mais pour la Syrie, c’est pratiquement deux personnes sur trois.
Un fantasme
L’immigration n’en reste pas moins au centre de nombreux débats. Chez nous comme dans de nombreux pays de l’Union. En France notamment, où un rapport de France Stratégie avait suscité de nombreuses réactions en 2019. De l’avis de nombreux observateurs, ce rapport nuancé permettait, chiffres à l’appui, de «sortir des préjugés et des fantasmes de l’immigration».
De ces chiffres, Éric Le Boucher, éditorialiste aux Échos, déduisait : «L’immigration n’a qu’un effet marginal sur le chômage et les salaires, elle coûte mais très peu aux finances publiques et au total, elle n’influe que faiblement sur la croissance.» L’immigration pèserait peu sur les nombreux facteurs qui dynamisent ou affectent l’économie et le social d’un pays comme la France.
Dans une carte blanche publiée dans L’Écho, le démographe Hervé Le Bras, spécialiste des migrations, employait le terme de «fantasme» pour qualifier ce que certains appellent «la ruée migratoire vers l’Europe». «L’immigration est un domaine où les fake news prospèrent depuis longtemps», explique-t-il. Pour lui, la réalité, ce n’est pas le remplacement d’une population par une autre que certains brandissent comme la grande menace de la migration. C’est la mixité, le métissage.
Cet article est paru dans le Télépro du 27/5/2021
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