Femmes : les oubliées de la santé
C’est une fatalité sournoise et méconnue. Aujourd’hui, partout dans le monde, des milliers de femmes meurent simplement parce qu’elles sont femmes. France 5 le dénonce dans un documentaire ce mardi soir.
Juin 2019. La scène se passe… sur une scène. Un panel d’une demi-douzaine de femmes fait face à un public réuni dans la salle de l’Alliance française. Médecins, infirmières, thérapeutes : elles sont venues pour témoigner, en marge du grand congrès Women Deliver. Traduction littérale : les femmes accouchent. Un jeu de mots car ce dont ces expertes vont accoucher, c’est d’un diagnostic : pour mieux soigner les femmes, il faudrait les écouter ! Car elles sont des laissées pour compte de la santé. Et ne sont pas les seules à le dire. Des études mondiales vont dans la même direction.
Sexe faible ?
«Femmes et hommes sont-ils égaux en matière de santé ?», s’interroge Marie Bogataj, directrice du Fonds recherche et prospective d’Axa. Poser la question, c’est y répondre. Oui les femmes vivent plus longtemps, mais elles passent aussi plus d’années que les hommes en mauvaise santé. Un exemple banal : les maladies cardiovasculaires. «Seules 35 % de femmes sont intégrées aux essais cliniques sur le sujet, alors même qu’elles sont plus susceptibles que les hommes de ne pas survivre à un malaise cardiaque».
Elles se plaignent ?
Un mythe serait à l’origine de cette inégalité de traitement, celui du sexe faible et du sexe fort. Dès l’Antiquité, les femmes sont considérées comme «des hommes manqués», plus fragiles physiquement et psychologiquement. En conséquence, elles se plaindraient plus facilement. La douleur chez les femmes est considérée comme «naturelle», explique la journaliste Fiona Moghaddam sur France Culture. Elle ne fait donc l’objet d’aucune recherche particulière : les femmes enfantent dans la douleur dans la plus grande indifférence, la péridurale ne faisant son apparition qu’il y a une quarantaine d’années. Dans la réalité, bon nombre de femmes auraient plutôt tendance à minimiser leurs souffrances, à ne pas les dire… Dans le cas de l’endométriose notamment. Cette maladie chronique inflammatoire des tissus situés à l’extérieur de l’utérus touche près d’une femme sur 10. Le silence de celles qui en sont affectées n’est pas sans conséquences sur leur santé : l’endométriose peut provoquer l’infertilité.
L’écoute des soignants
L’attitude des soignants et leur approche des patientes ne seraient pas neutres dans l’affaire. Plusieurs participantes à l’événement de Vancouver témoignent : des médecins ne croyaient pas les symptômes qu’elles leur décrivaient… Pour le Dr Martin Winckler, interviewé par Radio Canada, le fait que les femmes sont souvent maltraitées et moins écoutées dans le système de santé est notamment dû à la façon dont les professionnels de la santé sont formés. «Ils sont formés pour soigner la physiologie masculine, qui est la référence», affirme l’auteur de «C’est mon corps : toutes les questions que se posent les femmes sur leur santé» (éditions de l’Iconoclaste). «C’est un problème, parce que la physiologie féminine est plus compliquée et elle apporte plus de fardeaux pendant une période de la vie plus grande que pour les hommes».
Problème de santé publique
Dans le quotidien français Le Parisien, on pouvait lire, en janvier dernier : «L’abstraction des différences biologiques et genrées qui domine aujourd’hui en France dans le monde médical est devenue un problème de santé publique dont les premières victimes sont… les femmes». En 2019, l’espérance de vie était de 84 ans chez les femmes et de 79,6 ans chez les hommes. Mais l’écart se réduit nettement si c’est l’espérance de vie en bonne santé qui est considérée. Elle passe à 63,8 ans pour les femmes et 63,2 ans pour les hommes.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 15/04/2021.
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