«Exterminez toutes ces brutes» (Arte) : à l’origine du racisme
Voyage aux sources du suprémacisme blanc sur Arte, ce mardi à 20h50.
Le réalisateur Raoul Peck se souvient. En 2016, lors de la sortie de son film «Je ne suis pas votre nègre», sur le racisme et la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, le réalisateur est interpellé par certaines réactions : «Beaucoup de journalistes me disaient : «C’est tout de même atroce, ce qui se passe aux États-Unis», signe, selon moi, qu’ils n’avaient rien compris. Évacuer le problème vers l’extérieur, c’est une façon, consciente ou inconsciente, de ne pas s’y confronter localement.»
Le réalisateur haïtien risque-t-il d’entendre le même type de réactions pour «Exterminez toutes ces brutes», sa série documentaire en quatre parties diffusée sur Arte ? C’est peu probable. Cette fois, l’ancien ministre haïtien de la Culture, ingénieur, journaliste, photographe, professeur d’université, César du Meilleur film documentaire pour «Je ne suis pas votre nègre», nous invite à un voyage dans le temps.
Un voyage au cours duquel Raoul Peck revisite l’histoire du colonialisme européen, de l’Amérique à l’Afrique. Nationalisme blanc, suprémacisme, souverainisme : ces notions n’appartiennent pas qu’au passé. Décomplexées, elles font leur retour en force depuis quelques années.
À visage découvert
En ce mois d’août 2017, l’extrême droite américaine manifeste dans les rues de Charlotteville, en Virginie. Drapeaux sudistes et croix gammées en tête, les protestataires refusent qu’une statue du général sudiste Robert Lee, symbole de l’esclavagisme, soit retirée d’un parc.
Parmi les slogans scandés : «Vous ne nous remplacerez pas», «Le sang et le sol» (un chant repris de l’Allemagne nazie), «Les vies blanches comptent» (en réponse à «Black lives matter») ou «Hail Trump» (qui se passe de tout commentaire).
Les démonstrations tournent au drame le 12 août. Une voiture bélier fonce dans un groupe de contre-manifestants. Une personne perd la vie, dix-neuf autres sont blessées. Chez nous, les images tournent en boucle sur les réseaux sociaux et dans les journaux télévisés.
Si celles de l’agression meurtrière glacent le sang, celles des manifestants arborant sans complexe leurs signes extérieurs de racisme sont presque aussi choquantes. Bon nombre de téléspectateurs découvrent cette face sombre des États-Unis, peu connue de ce côté de l’Atlantique. Pourtant, les thèmes véhiculés ne leur sont guère étrangers.
Grand remplacement and Co
Qu’ils soient européens ou américains, malgré leurs nombreuses différences, les nationalistes blancs partagent quelques fondamentaux. Comme la théorie du grand remplacement de l’écrivain français d’extrême droite Renaud Camus.
Relativement récente (2011), elle défend la thèse raciste selon laquelle, comme le résume Le Monde, «les populations d’origine extra-européennes seraient en passe de surpasser numériquement les populations «d’origine» (c’est-à-dire caucasiennes) en Europe – et, du même coup, d’imposer leur culture et leur religion au continent». Le tout serait orchestré par des élites mondialistes, complotisme oblige.
Des idées martelées notamment par le candidat à l’élection présidentielle française Éric Zemmour, mais aussi par Brenton Tarrant, le terroriste d’extrême droite néo-zélandais, auteur des attentats qui ont coûté la vie à 51 personnes dans deux mosquées de Christchurch le 15 mars 2019.
Autres idées partagées par les extrémistes de droite : «terroriser, radicaliser et mobiliser», explique dans La Presse Raffaello Pantucci, spécialiste en sécurité internationale au Royal United Services Institute, en Grande-Bretagne. Haine des musulmans, des Juifs, de ce qui n’est pas blanc de peau, les racistes de tout poil sont sortis de l’ombre depuis longtemps en Hongrie, en Pologne, en Italie, en France, chez nous.
Malgré l’expérience du passé, les racines semblent profondément ancrées. «Exterminez toutes ces brutes», la série documentaire de Raoul Peck, est là pour le rappeler.
À lire
Sven Lindqvist, «Exterminez toutes ces brutes !», Éd. Les Arènes, 234 pages, 14,80 €
Cet article est paru dans le Télépro du 27/1/2022
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