Éthiopie : un Belge contre la famine

Georges Gutelman, au centre © Louvigny Media

C’est une histoire longtemps restée secrète… En 1984, durant la famine en Éthiopie, un pont humanitaire aérien fut organisé via Bruxelles par un certain Georges Gutelman.

En 1984, les images de la famine en Éthiopie tournent en boucle dans les JT. Elles déclenchent un mouvement de solidarité planétaire. Michael Jackson mobilise les artistes américains autour de « We Are the World » pour récolter des fonds à destination de ce pays d‘Afrique de l‘Est. Puis Bob Geldof lance le Live Aid, le plus grand concert caritatif de tous les temps, qui réunit 2 milliards de téléspectateurs à travers le monde.

Partout, on ne parle que de l’Éthiopie… Et pourtant, en coulisses, un homme aide plusieurs milliers d’Éthiopiens d’une tout autre manière. C’est un Belge : Georges Gutelman. Ce samedi à 20h30, « Retour aux sources » dévoile pour la première fois les tenants et aboutissants de son histoire dans le documentaire «Opération Moïse : l’histoire secrète de Georges Gutelman ».

Les Falachas

Malgré les quarante ans qui ont passé, il reste difficile de dresser le bilan humain de la famine en Éthiopie. On évoque 1,2 million de morts, auxquels il faut ajouter les déplacés et les réfugiés. Ils seraient 3 millions. Parmi eux, les Juifs éthiopiens, qu’on appelle les Falachas. Depuis la chute d’Haïlé Sélassié en 1974 et l’arrivée au pouvoir du dictateur marxiste Mengistu, ils ont la vie dure. Tous rêvent d’un exode en Terre promise. Mais cela implique un long et dangereux voyage, devenu carrément impossible avec la famine. Le gouvernement israélien décide alors d’intervenir pour les secourir. Et c’est là qu’intervient Georges Gutelman.

Martens-Gol

Gutelman est né à Liège d’immigrés juifs polonais. Enfant caché durant la Seconde Guerre mondiale, il a perdu sa mère à Auschwitz. Après des études d’ingénieur, il se lance dans l’aviation. En 1971, il crée la TEA. Cette compagnie affrète des charters pour l’Espagne en été, pour le pèlerinage à La Mecque en hiver. Le 7 novembre 1984, Gutelman voit débarquer dans son bureau l’un des patrons du Mossad, le service de renseignement israélien. Il a besoin des avions de la TEA pour exfiltrer discrètement les Falachas d’Éthiopie depuis le Soudan voisin. Mais impossible, pour des raisons diplomatiques, de programmer des vols directs entre Khartoum et Tel Aviv : il faudra faire escale à Bruxelles. Pour cela, l’aval du gouvernement Martens-Gol est indispensable. Or il se fait que Georges Gutelman est un ami de Jean Gol depuis toujours… C’est donc OK pour l’Opération Moïse – du nom du prophète qui ramena son peuple en Terre promise.

De nuit à Zaventem

L’opération commence le 21 novembre 1984. Des avions de la TEA atterrissent de nuit, dans une zone reculée de l’aéroport de Zaventem, avant de redécoller vers Israël. Sur chaque vol, des centaines de personnes affamées, mises sous perfusion. Plusieurs meurent à bord. Une femme donne naissance à un bébé.

Au bout de deux mois, l’info fuite. L’histoire commence à faire la une des journaux. Les conditions de sécurité ne sont alors plus remplies pour que l’Opération Moïse se poursuive. Il faut la stopper net. Elle aura quand même permis de sauver 8.000 Juifs éthiopiens. 8.000 vies.

En faillite

Georges Gutelman joua un rôle central dans ce sauvetage, en toute discrétion. Son engagement le mènera pourtant à sa perte. Car sa TEA sera ensuite boycottée par les pays arabes et finalement contrainte à la faillite. Mais jusqu’à sa mort, en 2019, Gutelman ne regrettera jamais son choix.

Cet article est paru dans le Télépro du 21/11/2024

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