Et si le covid avait sauvé Venise ?
Paquebots géants interdits, touristes d’un jour encadrés, retour des résidents permanents : après la pandémie, la Sérénissime se rachète une conduite. Ce samedi à 20h50 sur France 5, «Échappées belles» nous emmène à Venise.
Venise, 17 juillet 2021. Des dizaines d’embarcations décorées et bariolées convergent joyeusement du Grand canal vers les eaux de la lagune. À bord, ça chante, ça rit, ça crie. On festoie en attendant le bouquet final : le feu d’artifice réputé le plus long et le plus spectaculaire du monde. La fête du Christ rédempteur, la préférée des Vénitiens, touche à sa fin. Cette année, sa saveur est particulière. Celle qui rappelle et célèbre la fin de la grande peste de 1577 est de retour après une année de privation…
Maintenant ou jamais
Pour les habitants de la cité des Doges, c’est comme un retour à la vie, une lente renaissance après une terrible épreuve. Et si Venise ne redevenait plus jamais comme avant ? Si la pandémie l’avait libérée d’un mal qui, tout en la faisant vivre économiquement, la rongeait chaque jour un peu plus au point de la mettre en péril ?
Tourisme de masse, spéculation immobilière, pollution, exode… les dangers sont diagnostiqués depuis longtemps. Des remèdes existent mais jusqu’à présent, personne n’a décidé de les appliquer. Cette fois, les choses semblent changées : la guérison pour la Sérénissime, c’est maintenant ou jamais.
Le covid contamine le tourisme
1987 : Venise est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Les canaux, le pont du Rialto, le palais des Doges, le pont des Soupirs, la basilique Saint-Marc deviennent autant d’incontournables pour des légions de touristes qui envahissent la ville chaque année.
2019 : Venise accueille 25 millions de visiteurs. Près de deux tiers de (ce qui reste de) la population locale vit du tourisme.
2020 : le covid passe par là. La vague déferlante de touristes se tarit, les rentrées liées au secteur boivent la tasse : -70 % !
2021 : la pandémie est en recul. 20 à 30 % des touristes reviennent. Ils sont surtout italiens et européens. Pour les Américains, Asiatiques et Russes, il faudra patienter. Quant à un retour «copié/collé» à «l’époque d’avant», il semble compromis voire ne plus faire partie des plans !
Patrimoine en péril
La raison n’a rien à voir avec la crise sanitaire, elle s’appelle Unesco. Après des années à mettre en garde les autorités italiennes face aux risques que le «surtourisme» fait courir à la Sérénissime, l’instance onusienne passe à la vitesse supérieure. Début juin, sa directrice adresse à l’État une recommandation qui retentit comme une menace : si rien ne change pour régler cette menace sur la ville et son lagon, Venise rejoindra la liste des sites du patrimoine mondial menacés. Un pavé dans la marre qui éclabousserait la réputation d’un pays tout entier.
Paquebot non grata
Machine arrière toute. Le 16 juillet, le pouvoir transalpin prend une décision significative : l’accès des grands bateaux de croisière à une partie de la lagune de Venise est interdit à partir du 1er août. Plus question de jeter l’ancre dans le bassin bordant la place Saint-Marc et de remonter ensuite le canal de la Giudecca.
Depuis longtemps, on sait la ville menacée par des inondations. Le réchauffement climatique n’arrange rien et les paquebots géants ajoutent encore des problèmes écologiques (pollution de l’eau, de l’air, détérioration de fonds marins…) à cette situation préoccupante. Malgré la manne de 400 millions d’euros que les croisières rapportent à l’économie locale, les gros navires (notamment ceux de plus de 180 m de longueur et ceux dépassant l’eau de plus de 35 m) feront désormais escale dans un port industriel… en attendant mieux.
Capitale de la durabilité
Ce n’est pas tout. Venise rêve d’un avenir durable. Pour y parvenir, les dirigeants de la région élaborent un plan de relance. Il prévoit le contrôle des arrivées journalières de touristes mais aussi le retour des résidents permanents. Pour faire revenir 12.000 habitants et créer 20.000 emplois, une enveloppe de 4 milliards d’euros est adjugée.
Retour à la fête du Christ rédempteur. La pénombre enveloppe désormais le Bacino di San Marco. Puis soudain, l’explosion. Dorées, scintillantes, crépitantes : les gerbes du feu d’artifice illuminent Venise. La lumière resplendissante et victorieuse de la nuit, comme un symbole…
Cet article est paru dans le Télépro du 29/7/2021
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