Et les mieux notés sont…

Le boum des appréciations en ligne a établi de nouveaux rapports entre le monde de l’entreprise et sa clientèle. En bien comme en mal... © France Télévision
Alice Kriescher Journaliste

Le documentaire «Un monde 5 étoiles» interroge le fonctionnement et les dérives du système de notations des services, des travailleurs et des citoyens.

Nous connaissons tous cette situation. Après avoir commandé un produit sur Internet, mangé dans un restaurant ou même utilisé les toilettes d’un aéroport, la même demande : sur une échelle de un à cinq, comment estimez-vous la qualité de nos services ? Que nous ignorions la requête, attribuions une note sans y réfléchir ou nous concentrions sur la juste cote à donner, cette habitude, de plus en plus présente dans nos existences, n’est pas sans conséquence. Décryptage.

La guerre des étoiles

Il y a trente ans, un guide Michelin ou autres étaient appréciables pour s’enquérir des bons restaurants à tester dans une région. Mais Internet a changé la donne. Petit à petit, nous nous sommes pris au jeu et avons rédigé, çà et là, nos évaluations personnelles à propos des endroits où nous avions séjourné ou pris un repas. Des commentaires généralement assortis d’une ou plusieurs étoiles. Un geste que l’on peut penser anodin, mais qui est loin de l’être pour la réputation du restaurateur ou de l’hôtelier. En 2019, le site américain de conseils touristiques Tripadvisor attirait 490 millions de visiteurs par mois et cumulait pas moins de 760 millions d’avis. «Selon une étude menée en 2015 par Local Consumer Review Survey», relate Le Temps, «80 % des consommateurs font autant confiance aux avis et témoignages d’autres clients qu’aux recommandations de leurs proches.»

Tension à 5/5

S’ils ont été les premiers à alerter sur les dérives de ce système (avis bidons, commentaires mensongers, guerre entre établissements, etc.), les restaurants sont, aujourd’hui, loin d’être les seuls à subir la dictature des étoiles. Aucune des applications en ligne les plus populaires n’est exempte du système de cotation. Vinted pour la seconde main, Uber pour le transport, Airbnb pour le logement ou Deliveroo pour la livraison de nourriture, toutes ont banalisé l’usage des étoiles. Une situation particulièrement oppressante pour les travailleurs, au statut souvent précaire, qui oeuvrent sur ces plateformes. «Ces notations symbolisent notre société de performance et de compétition. Dès lors qu’elles se font sans supervision professionnelle, elles tendent à être gouvernées par l’arbitraire et l’émotionnel », s’inquiète le sociologue de l’Université de Lausanne, Sami Coll, dans les pages du Temps. «Ces notations répétées et libérées de toute objectivité ajoutent du stress et de la tension au moral des travailleurs.»

Tous notés !

Outre les services via applications mobiles, la notation fait aussi son chemin hors du monde virtuel et vise des professions plus surprenantes. Enseignants, avocats ou médecins, toutes les corporations sont susceptibles d’être évaluées. En France, plusieurs concepteurs ont, en effet, déjà tenté de mettre en ligne des sites afin de noter les médecins. Citons notetondoc, note2bib.com ou demica.com, tous ont été radiés. «Ces systèmes de notation sont une dérive commerciale, que je combats. La médecine n’est pas un produit comme les autres», alerte Jérôme Marty, médecin généraliste, dans le Parisien. «Face aux internautes, nous, médecins, sommes dans une situation particulière. Nous ne pouvons pas répondre publiquement aux commentaires sans violer le secret médical.»

Note ton proche

En 2015, une nouvelle application Peeple devait voir le jour. Le concept (qui fit un flop), imaginé par deux Canadiennes, consistait à évaluer vos proches ou vos connaissances plus éloignées. Toujours sur une échelle de cinq étoiles et en fonction de vos interactions à savoir «personnelles», «professionnelles » ou «amoureuses»…

Cet article est paru dans le Télépro du 4/05/2023.

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