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Environnement : ils sont fous ces sangliers !
Autrefois confiné au sud du pays, le sanglier envahit désormais le reste de la Belgique. Pourquoi ?
Mardi à 22h sur Tipik, le documentaire « Le sanglier : l’indésirable ? » explore les défis posés par la cohabitation inattendue entre les sangliers et les hommes. Maxime Rigo, porte-parole du collectif Stop aux dérives de la chasse, explique les causes de leur expansion.
Y a-t-il réellement prolifération de sangliers en Belgique ?
Il faut plutôt parler de prolifération dans certains territoires. Avant, les chiffres explosaient dans plusieurs massifs des Ardennes. Aujourd’hui le sanglier se répand dans le nord du pays, les parcs bruxellois, le Brabant wallon, près de Liège et Seraing… Sa présence est visible, car son spectre de dégâts est large : il endommage les cultures, les forêts et les jardins.
Pourquoi s’est-il ainsi déplacé ?
Il s’est dispersé hors de l’Ardenne parce que les populations y ont fortement augmenté. Il a donc colonisé les zones plus agricoles au nord et les banlieues des villes. Il y a trouvé le gîte dans les bosquets, les parcelles non bâties en friche, mais aussi le couvert dans les champs de colza, de maïs et de miscanthus, y compris dans les composts des parcelles urbanisées.
Y a-t-il trop de chasse ou pas assez ?
Cela dépend des territoires. Beaucoup de chasses en Wallonie ne visent pas à réguler la faune, ce sont des activités d’agrément, avec une participation financière importante. Si on paie cher, on s’attend à ramener beaucoup de gibier et il faut satisfaire les participants. Le Département de la nature et des forêts (DNF) oblige les chasseurs à tirer des quotas minimums pour les cervidés. Concernant les sangliers, les quotas sont consensuels. Dès lors, les propriétaires de terrains de chasse ne s’attaquent pas au capital, ils gardent beaucoup de sangliers en réserve et les nourrissent.
Le nourrissage est toujours autorisé ?
À la base, le nourrissage est dissuasif, il sert à éviter que le sanglier s’attaque aux cultures. Car dans ce cas, c’est le propriétaire de la forêt qui doit dédommager le fermier. Mais ce nourrissage provoque une surdensité des sangliers. On ignore leur quantité, mais dans de trop nombreux territoires, on tire chaque année plus de 10 sangliers/100 ha (jusqu’à 20 pour l’un ou l’autre lieu) alors qu’il est admis que le prélèvement maximum dans une population en équilibre avec le milieu naturel serait de l’ordre de 4 à 6 sangliers/100 ha.
Il faut savoir que la laie se reproduit en fonction de son poids : si elle est bien nourrie, elle se reproduit trois fois sur deux ans plutôt qu’une fois par an. Nous pensons que le nourrissage sert uniquement à fixer la population des sangliers dans certains lieux et à l’augmenter. Il est progressivement interdit, par périodes, mais difficile à contrôler.
Peut-on parler de pressions politiques de la part des chasseurs ?
La location de terrains de chasse engendre des revenus conséquents pour les communes et pour les propriétaires terriens. La pression économique est très forte. Il suffit d’examiner la composition du nouvel organe consultatif du Gouvernement wallon, pour la section Chasse du pôle ruralité : 14 places sur 16 sont occupées par des membres directs ou associés du Royal Saint-Hubert Club. Les intérêts défendus sont donc ceux du syndicat principal des chasseurs. C’est un énorme lobbying.
Cet article est paru dans le Télépro du 20/2/2025
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