Enrôlés de force par Hitler
Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux jeunes Alsaciens et Lorrains ont été contraints de servir le Reich. On les surnomme les « Malgré-nous ». D’autres ont choisi de résister à l’ennemi. Ce samedi à 20h35, La Trois diffuse le documentaire « Vivre Malgré-eux. Ils voulaient rejoindre Charles de Gaulle ».
« Elsässer, die Front rüft Euch », « Alsaciens, le front vous appelle ». Quand le magazine qui porte ce titre est distribué à la population d’Alsace-Lorraine, ce territoire français n’est pas seulement occupé par l’armée nazie depuis deux ans. L’Allemagne l’a purement et simplement annexé.
En cet été 1942, l’occupant franchit un pas supplémentaire. Par décret (19 août en Moselle, 28 août en Alsace), les gauleiters (chefs de districts dans l’Allemagne hitlérienne) obligent les jeunes Alsaciens et Lorrains à effectuer leur service militaire dans l’armée allemande. À l’intérieur du magazine de propagande d’une vingtaine de pages, les photos sont éloquentes. Elles font l’apologie du prétendu héroïsme des combattants nazis. Sur terre, sur mer, dans les airs : le slogan « Kraft durch Freude », « la force par la joie », semble s’inscrire en filigrane de chaque cliché. La joie… 130.000 jeunes hommes d’Alsace et de Lorraine sont engagés de force dans une guerre que la plupart ne reconnaît pas comme sienne. Ils seront appelés les « Malgré-nous ».
Sur tous les fronts
Depuis un peu plus d’un an (21 juin 1941), Hitler a lancé ses divisions à l’assaut de l’Union soviétique. Il a besoin de chair à canon sur le front de l’Est. Les jeunes Français (entre 80 et 90 % des Malgré-nous) y sont donc massivement envoyés dans des unités de la Waffen SS. Les autres prennent principalement la direction des Balkans, de l’Italie et de la Scandinavie. De la France aussi. Quatorze Malgré-nous font partie de la division Das Reich responsable du massacre d’Oradour-sur Glane (643 victimes dont 200 enfants) le 10 juin 1944. Face aux Soviétiques, beaucoup d’enrôlés de force décident de se rendre (16.000 selon certains historiens). Ils sont envoyés dans des camps de concentration. Notamment celui de Tambov, près de Moscou, où entre 3.000 et 6.000 d’entre eux sont détenus, certains jusqu’en 1955.
Les réfractaires
Farouchement opposés au décret, une dizaine de milliers de jeunes choisissent de ne pas être incorporés, malgré les risques de cette décision, tant pour leur vie que pour celle de leurs familles. Il y a ceux qui fuient l’Alsace-Lorraine et se réfugient en Suisse.
Une nuit de février 1943, 183 jeunes de la région du Sundgau (sud de l’Alsace) optent pour cette solution. Leurs familles seront durement sanctionnées par l’occupant, beaucoup seront déportées. D’autres jeunes restent, se cachent, entrent dans la Résistance. Entre le 17 et le 24 février 1943, 18 de ces jeunes réfractaires sont massacrés par les nazis à Ballersdorf, dans le sud de l’Alsace.
Mobilisation pour l’Histoire
Certains, enfin, font le choix de rejoindre de Gaulle et les Forces françaises libres. Quelques poignées d’entre eux après l’appel du général lancé à la radio le 18 juin 1940. Beaucoup plus par la suite. Le livre « Ils ont rejoint de Gaulle » et le documentaire diffusé samedi soir sur La Trois relatent comment, malgré les représailles et les persécutions allemandes, leur nombre ne cesse d’augmenter au fil des années de guerre.
En France, en 1944, un millier d’hommes décident de former la brigade Alsace-Lorraine. Ces maquisards sans uniforme marchent sur l’Allemagne. André Malraux, romancier réputé, résistant et futur ministre de la Culture du général de Gaulle, est à leur tête. Outre son aspect militaire, l’action se veut aussi symbolique : non, Alsaciens et Lorrains ne sont pas « des Boches », non ce ne sont pas des « Ja, ja » (« oui, oui » en allemand) comme les autres Français les appellent parfois. La brigade veut montrer de quel côté se trouve sa région dans cette guerre, définitivement. Quand le conflit s’achève, Alsaciens et Lorrains comptent leurs morts. Sur les 130.000 Malgré-nous enrôlés d’office dans l’armée allemande, 22.000 ont trouvé la mort au combat, plus de 10.000 sont morts en détention ou portés disparus.
Cet article est paru dans le Télépro du 3/10/2024
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