Émilie Schindler : Juste injustement oubliée
Ce lundi à 23h45 dans un documentaire à voir sur Arte, la réalisatrice Annette Baumeister tente de sortir Émilie Schindler (1907-2001) de l’ombre de son mari pour lui rendre son statut d’héroïne.
Qui a vu le déchirant «La Liste de Schindler», signé Steven Spielberg, connaît dans les grandes lignes l’histoire d’Oskar Schindler, cet industriel allemand qui a permis de sauver entre 1.200 et 1.300 Juifs des camps de concentration. Mais que sait-on de la femme qui œuvrait à ses côtés dans l’ombre ?
Amour à sens unique
Émilie Pelzi (1907-2001) épouse Oskar Schindler (1908-1974) à l’âge de 20 ans, malgré la mise en garde de ses parents sur la réputation de coureur de jupons de ce beau commercial. Dès la première année de mariage, la prédiction des Pelzi se réalise : Oskar se ruine pour ravir ses nombreuses conquêtes féminines qui le feront deux fois père.
En 1933, l’accession d’Hitler au pouvoir fait passer toute considération sentimentale au second plan. Après l’invasion de la Pologne, les Schindler prennent, à Cracovie, la tête d’une usine en faillite, dont le propriétaire était juif. Les affaires fonctionnent bien et, sans grands cas de conscience à l’époque, Oskar et Émilie profitent de cette existence à nouveau dorée. Cependant, au fil des mois, Émilie commence à s’effrayer du discours tenu par les notables nazis qu’elle reçoit dans son salon. Les Juifs de Cracovie, dont les ouvriers des Schindler, sont placés dans des ghettos et abattus aléatoirement en pleine rue. Les yeux d’Oskar et Émilie, peu à peu, ne peuvent plus supporter ces visions d’horreurs.
Unis contre l’horreur
En 1944, c’est la panique. Berlin ordonne la fermeture de toutes les usines allemandes à Cracovie. Ceux qu’Oskar appelle «ses Juifs» risquent d’être transférés dans un camp, il appelle Émilie à la rescousse. «Il n’avait ni la maturité affective, ni la solidité pour faire face, contrairement à Émilie», explique David M. Crowe, auteur de «Oskar Schindler : la véritable histoire derrière la liste», dans le documentaire d’Arte. «Elle a donc repris les rênes et trouvé une solution.»
Pour sauver leurs ouvriers, Oskar et Émilie entreprennent de délocaliser l’usine un peu plus à l’ouest. Les nazis acceptent, mais toute la fortune des Schindler y passe. Dernier impératif avant le départ : lister ceux qu’ils veulent emmener avec eux.
Héroïne du quotidien Dans l’usine délocalisée, c’est Émilie qui gère le quotidien, les soins et la sécurité des ouvriers. Oskar est rarement là, en déplacement à Berlin ou Munich pour tenter de récupérer des produits de premières nécessités et… passer du bon temps en compagnie féminine. En janvier 1945, les derniers convois de déportés sont envoyés vers la mort. Une nuit, Émilie parvient à sauver les détenus de l’un de ces trains en faisant croire aux SS que ces derniers étaient destinés à travailler dans son usine. Après avoir monté un dispensaire de fortune, elle travaille sans relâche pour soigner les survivants.
Reconnaissance tardive
Après la guerre, grâce aux dons financiers des Juifs de la liste, les Schindler partent s’installer en Argentine, en1949. Émilie rêve d’un nouveau départ. Mais, en 1952, Oskar apprend qu’une loi visant à indemniser les victimes du nazisme pour leur pertes matérielles a été adoptée et retourne en Allemagne. Il ne reviendra jamais.
Au pays, le travail de mémoire collective fait ressurgir le nom d’Oskar Schindler qui reçoit médailles et hommages.
Rien à propos d’Émilie qui survit alors en Argentine grâce aux associations caritatives. Il faudra attendre les années 1990 et le film de Spielberg (1993) pour qu’elle retrouve sur le tournage américain tout ceux qu’elle a, au même titre que son mari, sauvés. «Ils deviendront sa voix», explique-t-on dans le documentaire. «Émilie Schindler est à son tour décorée, déclarée Juste parmi les Nations en Israël et nommée citoyenne d’honneur en Argentine.»
Cet article est paru dans le Télépro du 16/5/2024
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici