Elle, Christiane F. : icône choc

Image extraite du documentaire «Une génération perdue» diffusé sur Arte ce mercredi © Arte/DR

Au tournant des années 1980, le monde découvre, horrifié, la réalité de la jeunesse perdue de Berlin-Ouest. Celle-ci a un visage, celui de Christiane Felscherinow.

«Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée», c’est un livre, puis un film et maintenant une série (disponible sur Prime Video) qui racontent le parcours tumultueux d’une jeune Allemande. Ce mercredi à 20h55, Arte lui consacre une soirée en diffusant le long métrage de 1981, suivi de deux documentaires.

Génération perdue

1978, Berlin. Kai Hermann et Horst Rieck, journalistes, rencontrent Christiane, 16 ans, à la sortie d’un tribunal. Ils sont en train d’écrire un article sur les jeunes sans domicile fixe. L’interview doit durer deux heures, elle dure deux mois. Et se transforme en best-seller.

Née le 20 mai 1962, Christiane grandit avec sa sœur et sa mère, divorcée d’un mari violent, dans une nouvelle banlieue de Berlin-Ouest où «tout ce qui est permis est affreusement ennuyeux et tout ce qui est interdit est amusant». Elle est jolie, va à l’école mais, comme beaucoup de jeunes, elle est en colère et rêve plus grand.

(Anti)héroïne

Pour oublier l’ambiance morne et conservatrice qui règne sur la ville, elle sort en boîte, au Sound. Au rythme des musiques psychédéliques, elle tente de rendre sa vie plus excitante. «Au Sound, il y a de la drogue à gogo. (…) Nous avalons stimulants et barbituriques par poignées. On peut choisir son humeur.»

C’est surtout là qu’elle fait une rencontre déterminante : l’héroïne. Grâce à elle, tous ses problèmes semblent s’envoler. Mais ce bonheur fugace a un prix. Pour se procurer assez d’argent à 13 ans, elle rejoint le «baby trottoir», derrière la gare du Zoo, sur lequel évoluent filles et garçons prêts à vendre leur corps pour se payer une dose.

Succès inattendu

«Wir Kinder vom Bahnhof Zoo» («Nous, les enfants de la station Zoo») paraît en 1978. En 1979 et 1980, le titre est n° 1 des ventes en Allemagne. Traduit dans près d’une vingtaine de langues, le roman se vend à plus de cinq millions d’exemplaires.

En 1981, il est publié en français sous le titre «Moi, Christiane F., droguée, prostituée». La même année, le réalisateur allemand Uli Edel projette l’histoire au cinéma. Le succès est identique : cinq millions d’entrées. Pendant une semaine, le long métrage fait même mieux que «Star Wars» au Brésil.

Électrochoc

L’autobiographie, puis son adaptation, créent une onde de choc. Le stéréotype du drogué vole en éclat. Le junkie n’est plus un homme marginal. C’est une jeune fille. C’est peut-être votre enfant. La toxicomanie et la prostitution infantiles cessent d’être des sujets tabous.

Le gouvernement met en place un système d’aide et le livre est imposé comme lecture obligatoire dans les écoles allemandes. L’histoire de Christiane doit avoir un effet dissuasif sur les jeunes. Les mots crus, puis les images choc, en impressionnent beaucoup.

Mais d’autres sont captivés. Les émotions et révoltes de l’adolescente sont les leurs. Les jeunes Allemands arpentent les mêmes couloirs de métro que leur idole, se rendent au Sound, qui échappe à la faillite grâce aux pèlerinages d’une génération fascinée.

Et après ?

En 2013 paraît «Moi, Christiane F., la vie malgré tout» qui dévoile la suite de son parcours. Sevrée et aidée par les droits d’auteur, Christiane s’installe à Hambourg. Mais, à 21 ans, les démons de l’héroïne la rattrapent : elle passe dix mois en prison pour détention de drogue.

Elle s’envole ensuite pour les îles grecques où elle vit en ermite avec un homme, sans décrocher. En 1996, elle a un fils, Phillip, dont elle perd la garde. En 2013, atteinte d’une cirrhose et de l’hépatite C, elle pose à nouveau ses bagages à Berlin où elle fonde une association d’aide aux addicts et à leur famille.

À voir

Sur Arte, mercredi :

  • 20.55 : Le film «Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée».
  • 23.05 : «Moi, Christiane F., droguée, prostituée « Une génération perdue »», documentaire.
  • 0.00 : «Christiane F. « Telle est l’histoire »», documentaire.

Cet article est paru dans le Télépro du 3/2/2022

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