Économie : les boulangers mangent leur pain noir
Augmentation du prix de l’énergie, guerre en Ukraine, climat : le prix du pain s’envole. Dur à avaler, comme l’évoque «#Investigation» ce mercredi à 20h20 sur La Une.
Votre tartine, vous ne trouvez pas qu’elle a un drôle de goût depuis quelques temps ? Enfin, drôle… Vous n’avez pas changé de confiture, le fromage avec lequel vous la garnissez n’est pas différent. Et pourtant… Alors ? C’est quoi ce goût ? À bien y réfléchir, ce ne serait pas un goût de trop cher ? Si ! J’ajouterais même : un goût étrange venu d’ailleurs. Car ni votre boulanger ni le mien n’en sont responsables. Quelques explications ? Ça ne mange pas de pain.
Très chère énergie
L’eau, la farine, la levure, le sel… : bien des éléments interviennent dans la recette d’un pain de qualité. Pour comprendre la composition de son prix et, surtout, l’augmentation de celui-ci, c’est la même chose. Passage en revue de différents ingrédients incontournables. À commencer par la hausse du prix de l’énergie : c’est elle qui a mis le feu aux poudres.
Début 2020, la pandémie de covid-19 est synonyme de baisse de la demande : tout le monde reste chez soi, les prix du gaz, de l’électricité ou de l’essence chutent. Quand la situation sanitaire s’améliore quelques mois plus tard, ils repartent à la hausse. Une ascension toujours en cours à l’heure actuelle.
Pour faire tourner leurs fours, les boulangers n’ont pas le choix. Ils ont besoin de cette énergie dont les prix ne cessent de grimper. Conséquences : leurs dépenses sont multipliées par trois pour l’électricité, par quatre pour le gaz.
Blé d’or
24 février : l’invasion de l’Ukraine par la Russie commence. Pétrole et gaz flambent de plus belle. Mais un autre responsable de la hausse du prix du pain retient alors toute l’attention : les matières premières. Le pays de Vladimir Poutine et celui de Volodymyr Zelensky sont respectivement 1er et 5e plus gros producteurs de blé de la planète (29 % des exportations mondiales de blé). La Russie pourrait mettre fin à ses exportations. Quant à l’Ukraine, considérée comme «le grenier de l’Europe», le conflit ne vaut rien à sa production… : en période de guerre on sème la mort et la désolation, pas le blé.
Nouveau coup dur pour le secteur de la boulangerie. Le cours du blé s’envole. Sur son site, FEGRA, la Fédération des négociants en céréales de Belgique, prend soin de préciser : «Suite au conflit ukrainien, la volatilité des prix reste très importante. Les prix indicatifs peuvent très vite changer brutalement.» La tonne de blé valait 200 € en juillet dernier. À l’heure actuelle, elle flirte, voire dépasse à certains moments les 400 €. L’ONU va jusqu’à accuser la Russie de provoquer une crise alimentaire mondiale.
Bientôt 5 € ?
D’autres éléments viennent encore alourdir l’addition. Avec l’inflation qui atteint des records, les salaires du personnel doivent être majorés. Autre élément : l’augmentation du prix du papier affecte celui des emballages. Quant au dérèglement climatique, une vague de chaleur exceptionnelle s’est abattue sur le Canada l’été dernier. Le 3e producteur mondial de blé annonce qu’«il ne sera pas possible d’alimenter le marché mondial avec des blés durs stockés». Quant à l’Inde, sa décision d’interdire ses exportations a fait flamber le cours du blé. Tout cela n’augure rien de bon pour les prix chez le boulanger du coin. Le pain à 5 € n’est même plus une utopie. Ça sent le rassis.
Dixit
Henri Léonard, président de la commission économique de la Fédération francophone des boulangers, pâtissiers, chocolatiers : «La situation professionnelle à laquelle nous sommes confrontés est épouvantable. Nous avons choisi ce métier pour rendre service à la population. Or, la majorité d’entre nous se retrouvent maintenant en situation précaire, l’avenir est mis en cause. Nous n’augmentons pas nos prix de vente pour gagner un centime de plus, mais pour éviter la faillite. Nous n’avons pas le choix.»
Cet article est paru dans le Télépro du 26/5/2022
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