«Dopamine : comment les applis piègent notre cerveau» : vous likez ?

Les réseaux sociaux ne s’en cachent pas : ils usent et abusent du mécanisme de récompense via la sécrétion de dopamine pour rendre accros les utilisateurs © Getty Images

Si les réseaux sociaux et les plateformes digitales nous en nourrissent, c’est pour mieux nous croquer mes enfants ! Ce jeudi à 22h15, «Doc shot» propose un intéressant documentaire sur le sujet.

Ils sont assis dans le fond du restaurant. Un repas en amoureux sans doute. Pourtant, leur attention est focalisée sur leur smartphone. Elle a photographié son plat, il semble lire un message qui le fait sourire. Le serveur s’approche :«Reprendrez-vous un peu de dopamine sur son lit de réseaux sociaux ?». C’est donc de cela qu’ils se nourrissent comme des millions d’autres personnes à longueur de journée. La dopamine, un des ingrédients principaux de la recette du succès des plateformes digitales !

Superstar

La dopamine est un neurotransmetteur, «un messager chimique qui assure la transmission de l’information d’une cellule nerveuse (neurone) à une autre», comme le défini le portail PasseportSanté. Chaque neurotransmetteur à son rôle. L’acétylcholine, par exemple, est active au niveau de la mémoire. Son manque est associé à la maladie d’Alzheimer. La noradrénaline est importante pour l’attention, l’éveil, le sommeil. Quand l’équilibre est rompu, cela peut déboucher sur de la dépression, le manque de motivation.

Et la dopamine ? Son truc, c’est le plaisir et les émotions. Cette molécule commence à être étudiée dans les années 1950. Les scientifiques l’identifient alors comme responsable du phénomène de récompense. «Lorsque nous accomplissons une action, notre cerveau reçoit un ’shoot’ de plaisir, la dopamine», schématise le magazine «L’ADN, tendances et mutations». Ambition, désir, motivation, renforcement des habitudes : elle est au cœur de tout ce que nous faisons. «C’est la Kim Kardashian des molécules», caricature le magazine pour mettre en valeur le côté superstar de ce neurotransmetteur.

Son action est redoutable. «Il n’y a rien de plus fort dans notre cerveau et de plus difficile à défaire que le chemin que crée la récompense», écrit le neuropsychologue américain Dalton Combs, repris par le site de psychologues et psychothérapeutes Psy@Paris. «Même si un comportement ne nous apporte plus de satisfaction, nous le continuons parce que c’est ce qui nous apportait une récompense dans le passé.» Message reçu 5 sur 5 par les plateformes digitales.

Hameçonnage en série

«Tu es accro à tes applis ? Tous les matins après Twitter, tu checkes tes flammes sur Tinder. Instagram est irrésistible, Facebook addictif… T’inquiète pas c’est normal. Toutes ces applis sont conçues pour te rendre complètement addict». Le teaser de l’émission «Doc Shot» (jeudi, La Une) annonce la couleur : oui, les applis piègent notre cerveau, oui, les réseaux sociaux utilisent cette «faille».

Dans un discours prononcé en 2017, l’ancien (et premier) président de Facebook, Scott Parker, définit le modèle économique de son ancienne entreprise : «L’exploitation de la vulnérabilité de l’humain et de sa psychologie.»

Chamath Palihapitiya, ancien vice-président chez Facebook fait plus fort encore en déclarant un an plus tard que les smartphones et les plateformes de médias sociaux nous transforment en véritables toxicomanes. «Ce que nous voulons, c’est comprendre (…) comment vous manipuler le plus rapidement possible pour ensuite vous gratifier, en retour, d’une bouffée de dopamine», déclare-t-il.

Trevor Haynes, chercheur à la Harvard Medical School, précise de son côté : «Bien qu’elle ne soit pas aussi intense qu’une dose de cocaïne, chaque notification, qu’il s’agisse d’un message texte, d’un « j’aime » sur Instagram ou d’une notification Facebook, a le potentiel d’être un stimulus social positif et produit un afflux de dopamine».

Capter l’attention, manger un maximum de notre temps, nous accrocher par une récompense : Facebook, Instagram, Twitter… poursuivent le même objectif et créent l’environnement qui nous rend le plus dépendant possible à leurs contenus. «L’utilisateur risque alors de se retrouver plongé dans une quête insatiable de récompense où le plaisir et le sens et la conscience s’effacent peu à peu», écrit Vincent Joly sur Psy@Paris.

Cet article est paru dans le Télépro du 11/5/2023

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