Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu pries

En ce moment, les musulmans font le ramadan © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

De notre Vieux continent en passant par le Japon, l’Iran, l’Inde et New-York, la série documentaire «Les Dieux passent à table» (de lundi à vendredi à 16h15 sur Arte) explore les rapports entre nourriture et religion.

L’interdiction du porc, le carême, le ramadan ou le végétarisme… les différentes religions de notre planète aiment s’inviter dans notre assiette. Décryptage.

Manger de la viande ou non ? Cette question agite depuis longtemps les menus des trois grandes religions monothéistes. La tradition juive s’astreint à un régime dit «kasher», qui signifie «apte, conforme», dont les règles sont régies par la «kasherout», à savoir les prescriptions issues de la Torah. Sans être exhaustif, comprenez que sont prohibées les viandes provenant de quadrupèdes ruminants à sabots fendus. Exit donc le porc (car omnivore), le lapin ou le cheval. Il est également interdit de consommer de la viande et des produits laitiers au cours d’un même repas.

Concernant les produits de la mer, tout animal qui ne possède pas de nageoires et d’écailles est exclu. Enfin, pour obtenir une viande kasher, l’animal sacrifié doit être abattu selon un rituel précis effectué par un shohet, un sacrificateur formé et reconnu par un rabbin. Une tradition religieuse qui s’invite donc dans le quotidien de nombreux juifs, mais que la Torah ne justifie pas, comme le détaille le site Chabad. «C’est parce que ces lois ont été commandées par le Créateur de nos corps et de nos âmes, que l’observance de la kasherout sera de toute évidence bénéfique.»

Ainsi soit-il

Si de nombreuses interdictions existent également, l’Islam est moins restrictif que le Judaïsme en matière d’alimentation, comme l’explique le Grand Imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, à France Info. «L’anthropophagie est interdite. En réalité, plus on consomme un animal qui possède un régime alimentaire très éloigné du nôtre, mieux c’est. Dans tous les cas, l’Islam n’encourage pas la consommation de viande, le prophète lui-même en consommait très peu.» Côté chrétien, les débats ont longtemps fait rage face au commandement, «Tu ne tueras point».

Ce précepte englobe-t-il les animaux ? La question semble être aujourd’hui tranchée, comme l’indique le Père Antoine Guggenheim, dans «L’Instant détox» sur France Info. «Il n’y a aucun aliment interdit. C’est une discussion très lourde au début du christianisme, parce que le christianisme ce sont des juifs, en général, puis des païens qui tous connaissaient des interdits alimentaires. Il y a une sorte de bénédiction divine en disant, tout est béni, vous pouvez tout manger.»

Concernant le jeûne ou l’abstinence de certains aliments, le concile Vatican II a largement assoupli les prescriptions. «L’abstinence de viande du vendredi a été supprimée, sauf pendant le Carême», constate La Croix. «Aujourd’hui, l’Église catholique demande aux fidèles de ’faire pénitence’ chaque vendredi, ainsi que de jeûner et de s’abstenir de viande le Mercredi des Cendres (marquant l’entrée en Carême) et le Vendredi saint.»

Les vaches regardent passer les croyants

«Essayer de nuire le moins possible, tout en se maintenant en bonne santé» : voilà l’unique conseil en matière d’alimentation qui est donné aux Bouddhistes. Contrairement à l’Hindouisme, où le végétarisme reste la norme due à la croyance en la réincarnation : peu ou pas de viande. «Une tolérance fait que certains en mangent un peu néanmoins. À condition que ce ne soit pas de la vache, animal sacré entre tous», relate le petit Larousse de la culture générale. «On peut éventuellement utiliser le cuir, mais uniquement si l’animal est mort naturellement.»

Art culinaire

Au Japon, l’influence du bouddhisme a donné vie à un art culinaire très précis, le Shôjin ryôri, que l’on peut traduire par «nourriture spirituelle». Cet assortiment de plats végétaliens servis traditionnellement dans des temples et sanctuaires japonais est particulièrement codifié. Le Shôjin ryôri doit, entre autres, combiner cinq couleurs, le vert, le rouge, le jaune, le blanc et le noir, ainsi que cinq saveurs, l’acide, l’amer, le sucré, le piquant et le salé. Quant au cuisinier, durant sa préparation, il doit respecter trois états d’esprits, être joyeux, nourricier et magnanime. 

Cet article est paru dans le Télépro du 23/3/2023

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