Dans un voyage en extrêmie !

Depuis la série «Chernobyl», la ville voisine de la centrale, Pripyat, accueille un nombre croissant de visiteurs © Isopix
Alice Kriescher Journaliste

Ce dimanche à 21h sur La Trois dans «Le Doc du Bourlingueur», Philippe Lambillon nous emmène bourlinguer aux côtés de touristes pour qui vacances ne riment pas du tout avec repos : les «nouveaux touristes de l’extrême» !

Une plage de sable fin, des cocotiers, un soleil radieux et une main constamment agrémentée d’un cocktail… Certains n’ont que faire de ce cliché paradisiaque. Ceux qu’on appelle «touristes de l’extrême» sont en quête du grand frisson. Leur formule préférée ? «All in» options catastrophes naturelles et zones de guerre.

Échapper à l’ennui

Si la pratique du tourisme de l’extrême reste un secteur de niche, l’attrait pour ces vacances hors-normes existe depuis quelques années déjà. En 2013, Toshifumi Fujimoto, un Japonais, ex conducteur de poids lourds, décide de se rendre en Syrie par ses propres moyens. La démarche de l’homme fait la une des médias.

Dans un uniforme de l’armée nipponne, le quinquagénaire s’aventure alors sur les lignes du front du conflit syrien. Interrogé par la presse, il se revendique «touriste de guerre», sans aucune connaissance de l’arabe ni de l’anglais, il explique utiliser l’outil «Google Translate» pour se faire comprendre.

Cette envie de sensations fortes, dangereuses, voire mortelles, Franck Michel, auteur de nombreux ouvrages concernant le tourisme dont «Voyages pluriels», la décode sur le site Atlantico. «Ces voyageurs, fascinés par des destinations «inédites» évidemment «originales», sont des toxicomanes de l’altérité radicale. On le voit, le tourisme extrême est multiforme. Mais il est toujours une réaction à la monotonie du quotidien. Un quotidien banalisé et uniformisé duquel il importe pour beaucoup de «sortir» temporairement, soit pour fuir soit pour se régénérer.»

Agences tous risques

Pour permettre à tous les voyageurs friands d’extrêmes de se rendre dans leurs destinations de «rêve», des agences de voyages spécialisées ont vu le jour. L’agence «War Zone Tours», par exemple, créée par un vétéran américain, propose des voyages organisés sur des lieux de guerres civiles, mais aussi, là où la menace djihadistes est très forte.

L’agence «Koryogroup», quant à elle, offre différents «tours» en Russie, Corée du Nord ou au cœur du Kazakhstan. Les visites au programme ? Lac formé par des armes nucléaires ou goulags, le tout pour approximativement 4.000  €.

Avec l’avènement de la série télévisée «Chernobyl», la ville de Pripyat, en Ukraine, qui a vu 35.000 de ses habitants trouver la mort suite à la catastrophe, est devenu un lieu fantôme qui attire toujours plus de curieux.

Dans un autre genre douteux, au Rwanda, des compagnies touristiques proposent de combiner des visites alliant rencontre avec les grands singes et génocide des Tutsi.

Tout aussi macabre, au Japon, la forêt d’Aokigahara, dite «la forêt des suicides», est arpentée par des visiteurs qui espèrent tomber sur un cadavre…

Dans tous les cas, une question légitime se pose, s’agit-il de tourisme, de devoir de mémoire ou de voyeurisme ? Pour Franck Michel, la réponse est «voyageurisme». «Un néologisme qui veut dire ce qu’il veut dire tant le voyage et le voyeurisme se trouvent entremêlés dans les nouvelles pratiques touristiques et aventureuses de nos contemporains.»

En mode survie

Dans le tourisme de l’extrême, il y a aussi une catégorie plus «classique» peuplée de gens qui veulent simplement tester leurs limites. À la manière des aventuriers de l’émission «Koh-Lanta», ces touristes pas comme les autres décident de passer leurs vacances à… survivre. Dépassement de soi et autonomie en milieu hostile, sur la Toile, les propositions de stages de survie en tous genres ne manquent pas.

«Les gens vont de plus en plus vers l’extrême, avec toujours plus de performances, cherchant à faire des choses où ils sont pionniers», affirme Stanislas Gruau, fondateur de «Explora Project», dans les pages de La Libre. «On est dans une société qui ne valorise que l’acte. Donc oui il y a un essor des week-ends de survie et une fascination pour les expéditions.»

Cet article est paru dans le Télépro du 10/2/2022

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