Consommer belge : bon comme à la maison ?
Relocaliser la production, consommer local : l’indépendance alimentaire confrontée à l’inflation. Un sujet évoqué ce lundi à 21h sur France 5 dans «Sur le front».
26 mars 2020. La planète est confrontée à la terrible crise sanitaire du covid 19. Les Nations Unies lancent une mise en garde : «Les mesures de confinement liées au coronavirus pourraient causer une pénurie alimentaire mondiale.» Quelques jours plus tard, une dizaine de scientifiques belges adresse une missive à la Première ministre de l’époque, Sophie Wilmès. «La Belgique doit disposer d’une autonomie alimentaire minimale», écrivent-ils, avant de conclure par un vibrant appel : «Nous disposons en Belgique de terres fertiles et de capacités d’innovation et d’adaptation parfois insoupçonnées. Alors, agissons sans attendre afin d’assurer ensemble la sécurité alimentaire chez nous et ailleurs, aujourd’hui et demain !».
Consommer local
Ce vocabulaire et ces comportements, qui étaient jusqu’alors réservés à une partie relativement restreinte de la population, s’étend. Il est question de circuit court, de consommer local, d’économie circulaire, d’alimentation durable. Alors que certains produits manquent et que se rendre dans une grande surface prend des allures d’opération à hauts risques, les Belges semblent presque découvrir que non loin de chez eux, de petits producteurs peuvent satisfaire à leurs besoins alimentaires. Quant aux producteurs, certains se rendent compte que des marchés oubliés ou inexplorés s’ouvrent à eux. On estime à l’époque que 25 % de la population consomment local.
Appels à projets
Le politique encourage le mouvement. Le Gouvernement wallon notamment. En septembre 2020, il lance un appel à projet «Soutenir la relocalisation de l’alimentation en Wallonie». Les objectifs sont multiples : développer les circuits courts, une filière céréalière bio, une filière de légumes bio, la production d’huile de tournesol wallonne ou encore soutenir une ceinture alimentaire. En 2022, on remet le couvert pour donner les moyens aux circuits courts de se développer et rapprocher géographiquement le producteur du consommateur. Soutien aux filières céréales, fruits, légumes et protéines, à des structures de production, de stockage, de logistique de petites ou de grandes tailles : 45 millions e sont débloqués.
Exportations belges
Dans le reportage d’Hugo Clément (France 5, lundi), il est surtout question de la manière dont les choses se passent dans l’Hexagone aujourd’hui. «J’ai découvert qu’on importe effectivement 70 % de nos fruits et près de 30 % de nos légumes !», déclare le journaliste. Sur la balance de l’import-export, les produits alimentaires ne pèsent pas le même poids en Belgique et chez nos voisins. «Les exportations alimentaires, pilier de l’économie belge», affirmaient avant covid deux économistes de la KBC. Une réussite étroitement liée à l’internationalisation et à la mondialisation et présentant une balance commerciale positive. En 2021, celle-ci s’élevait à + 340 millions d’euros pour la Wallonie
Et demain ?
À la fin de l’année dernière, la Wallonie a présenté son Plan Stratégique wallon (PSw) pour la Politique Agricole Commune 2023-2027 (PAC). Budget : 1,862 milliard déboursés par l’Europe et par la Région wallonne notamment pour des mesures de soutien à destination du secteur du bio et aux mesures agro-environnementales et climatiques. Une manne qui s’ajoute aux millions destinés aux projets visant à produire davantage chez nous ce que nous achetons ailleurs pour l’instant. Cela est-il suffisant pour relocaliser ? Produire local permet de gagner (financièrement et écologiquement) sur le prix du transport. Par contre, difficile de concurrencer les grandes multinationales et leurs énormes volumes de production pour être concurrentiel sur les marchés. Les surfaces cultivables ne sont pas non plus extensibles à l’infini.
Esprit solidaire es-tu là ?
Et l’esprit solidaire, le soutien à l’économie locale, le «bon goût» de chez nous, le «consommer durable» ? Selon une étude de l’APAQ-W (l’Agence wallonne en charge de la Promotion d’une Agriculture de Qualité), fin 2020, 92 % de la population francophone souhaitaient consommer plus de produits wallons. Aujourd’hui, confrontés à la hausse de nombreux prix et à l’inflation, le comportement des consommateurs a changé. Tant à Bruxelles qu’en Wallonie, les producteurs locaux et les vendeurs en vrac constatent une nette diminution de leurs ventes. Cela n’empêche pas la Région wallonne d’envisager que 30 % de la surface agricole utile devront être consacrés à l’agriculture biologique en 2030.
Cet article est paru dans le Télépro du 20/4/2023
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici