Chine, Eldorado malheureux
Peu connue pour son ouverture, la Chine apparaît pourtant comme une terre de possibilités pour certains immigrés africains. Un sujet évoqué ce samedi à 23h15 sur La Trois dans le documentaire «I’m New Here».
Lorsqu’on pense à l’Empire du milieu, le terme «immigration» ne vient pas naturellement à l’esprit. Cependant, depuis les années 1990, c’est la destination que quelques centaines de milliers d’Africains ont choisie pour espérer un avenir meilleur.
Little Africa
L’histoire de l’immigration africaine vers la Chine débute dans les années 1990. En raison de la fermeture progressive des frontières européennes et de l’essor économique chinois, le pays devient plus attractif pour les travailleurs étrangers.
Des décennies plus tard, l’immigration en Chine est encore très difficile à chiffrer précisément. Les dernières annonces officielles datent de 2015 et estiment que les migrants ne représenteraient que 0.07 % de la population. Pourtant, là-bas, la ville de Guangzhou, ou Canton, est surnommée «Little Africa» et, par les racistes purs et durs, «la cité chocolat».
Dans cette mégalopole portuaire d’environ 14 millions d’habitants, les statistiques, toujours officielles, avancent que 15.000 Africains y ont élu domicile. Une appréciation qui ne prend pas en compte les personnes en situation irrégulière. En réalité, on s’approcherait plus des 200.000 résidants africains à Guangzhou et entre 300.000 à 400.000 migrants sur l’ensemble du territoire.
Sur place, pour espérer une existence moins démunie, le business est généralement le même pour tous : acheter de la marchandise à bas coût, principalement des bijoux et des produits électroniques, pour l’expédier vers leur pays d’origine, surtout les États anglophones du continent africain, Nigéria, Ghana et Zambie, entre autres.
De l’espoir au cauchemar
Pour tous ces Africains installés en Chine, et à Guangzhou en particulier, sans grande surprise, la vie est loin d’être un rêve éveillé. D’abord, parce que rien n’est mis en place par le gouvernement chinois pour régulariser la situation de ces expatriés. Si les visas sont relativement facilement accordés, ils expirent après trente jours. À charge ensuite du candidat résident de plaider sa cause pour obtenir un délai.
Seulement voilà, la tâche est ardue puisqu’il n’existe absolument aucune bureaucratie facilitant ce type de demandes, que ce soit en Chine ou dans le pays d’origine. «Aucun des cinquante-cinq pays africains ne dispose à Canton d’une Chambre de commerce», déplore Hannah Ryder, directrice d’un cabinet de conseil spécialisé dans les relations Chine-Afrique, sur France Info. «Or, celles-ci pourraient véritablement être en mesure de suivre ce qu’il s’y passe ou plaider la cause des entreprises africaines.»
Résultat, de nombreux Africains n’ont d’autres choix que d’évoluer dans la clandestinité et de vivre au sein de véritables ghettos.
Virus de la discrimination
Outre les tourments administratifs, un autre fléau fait des ravages : le racisme. Qu’ils soient en situation régulière ou non, ces expatriés relatent tous les mêmes abjections auxquelles ils sont confrontés. Entre contrôles de police musclés, racisme ordinaire, discrimination à l’emploi où des offres excluent spécifiquement les «heiren» ou Noirs, salaires inférieurs, refus d’admission dans un taxi, hôtel ou restaurant…
Et ces deux dernières années sous le signe du covid-19 n’ont fait qu’aggraver la situation. Dès les premiers mois de la pandémie, de nombreux organismes ont relevé des «traitements xénophobes, racistes et inhumains des Africains en Chine» dont des quarantaines forcées et des expulsions. «En outre, de nombreux hôtels, magasins et restaurants ont refusé l’entrée à des clients africains», relatait l’agence de presse Reuters. «Les autres ressortissants étrangers n’ont généralement pas subi de traitement similaire.»
Cet article est paru dans le Télépro du 27/1/2022
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