Chasseurs de primes : mort ou vif, pour une poignée de dollars
Le Far West n’est pas mort. Les chasseurs de primes vivent encore de beaux jours aux États-Unis. Gros plan sur ces cowboys des temps modernes, comme les appelle ce vendredi à 19h50 «Reporters» sur RTL-TVI.
Plan large, format cinémascope. Un village mexicain écrasé sous un soleil de plomb. Dans la rue principale vidée de ses habitants, une silhouette s’avance lentement, silencieusement. Gros plan sur l’inconnu. Stetson crasseux, poncho sans forme : l’étranger au regard d’acier arbore une barbe de dix jours. Depuis des semaines, ce cowboy sans nom est sur la piste. L’affiche «Wanted» qui l’a poussé à enfourcher son cheval promettait une belle récompense à qui arrêterait une bande de braqueurs de diligences. Cette fois, il en est sûr : il touche au but… Coupez ! On la garde.
Vieille histoire
Remises au goût du jour par les westerns (spaghetti notamment, du réalisateur Sergio Leone), les aventures de chasseurs de primes, prenant les traits d’Henry Fonda, Clint Eastwood, Lee Van Cleef ou Steve McQueen, ont fait les belles heures du cinéma des années 1960. Dans ces scénarios émaillés de poursuites à cheval et de duels au revolver, difficile parfois de savoir qui du poursuivant ou du pourchassé est le vrai méchant.
Les chasseurs de primes, c’est une vieille histoire. «Personne qui pourchasse des fugitifs ou des criminels pour obtenir une récompense», définit le dico. La pratique remonterait au Moyen Âge et aurait vu le jour en Angleterre. Mais c’est l’époque de la conquête de l’Ouest et la recherche de criminels à ramener «morts ou vifs» qui va échauffer les esprits. En 1872, un jugement de la Cour suprême américaine les autorise à traquer et capturer leurs proies. 150 ans plus tard, ils continuent à sévir…
Controversés
Combien sont-ils ? Selon les estimations d’une société active dans le secteur, l’AFP avance le chiffre de 15.000 pros aux États-Unis (les Philippines autorisent aussi cette pratique). Une autre association avance que 30.000 fugitifs seraient appréhendés chaque année grâce à eux. Leurs méthodes ne passent pas inaperçues. Contrairement aux policiers, ces «bounty hunters» peuvent entrer par effraction dans un domicile et le perquisitionner sans mandat, ou transporter un fugitif au-delà des frontières de l’État sans tenir compte des lois sur l’extradition.
Préfaçant une exposition sur ce thème du photographe Dave Yoder, le festival international du photojournalisme «Visa pour l’Image» rappelle que «leurs activités ne sont de fait contrôlées par aucune autorité, ce qui a rendu possible un grand nombre d’abus dans tout le pays». Mort d’un couple après une fusillade avec des «chasseurs» s’étant trompés de domicile, passages à tabac…
Sur 50 États américains, seuls 4 (Wisconsin, Oregon, Illinois et Kentucky) ont aboli le statut de ces «hunters» sur leur territoire. Dans une dizaine d’autres, ils «doivent demander une habilitation ou justifier d’une formation, bien que cette dernière soit, dans le meilleur des cas, rudimentaire et, dans le pire des cas, risible».
Course à la délation
Ils sont parfois armés jusqu’aux dents et harnachés comme des Robocops. Leurs cibles principales : des accusés libérés sous caution qui fuient sans avoir remboursé le montant emprunté à une entreprise spécialisée. Depuis quelques temps, le Texas a aussi vu naître une nouvelle espèce. Les nouvelle décisions de la Cour suprême sur l’avortement «ont réveillé le débat sur les « chasseurs de primes » en permettant à de simples citoyens de dénoncer, contre récompense, ceux qui aident les femmes à avorter après six semaines de grossesse».
Le délateur peut empocher jusqu’à 10.000 $ en cas de condamnation. Pour le président Biden : «Cela semble presque anti-américain». Finies les traques interminables harnachés comme des cowboys modernes : pour les chasseurs de primes 2.0, une casquette suffit désormais, frappée du slogan «Make America great again»…
Cet article est paru dans le Télépro du 28/7/2022
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