Cargo : les géants des mers

Ces monstres maritimes effectuent 90 % du commerce mondial : les porte-conteneurs ont le vent en poupe. Pas sans risque, comme le montre un reportage de «Sur le front», ce lundi à 21h sur France 5.

Utiliser l’expression «Sky is the limit» pour parler de navires pourrait paraître de mauvais aloi. Elle semble pourtant bien être la plus adéquate pour évoquer ce qui se passe dans le secteur des porte-conteneurs maritimes. L’été dernier, un véritable monstre marin fait son apparition. Construit par le chantier naval chinois Hudong-Zhonghua, l’Ever Alot du groupe de transport maritime Evergreen bat tous les records de taille.

Les chiffres révélés par Le Journal de la marine marchande donnent le tournis : long de 400 m et large de 61,5 m, le navire peut transporter plus de 24.000 conteneurs. Présenté l’été dernier, celui qui porte actuellement le titre de «plus grand porte-conteneurs du monde» opérera sur la ligne Est-Ouest. Jusqu’à ce qu’un autre encore plus impressionnant le remplace, l’Ever Alot est le symbole d’un secteur activité en pleine expansion.

Conteneurs à gogo

Au début des années 1950, l’homme d’affaire américain Malcolm Purcell McLean est persuadé depuis longtemps que les remorques des camions qui transportent ses marchandises ne sont pas assez compétitives. Il les remplace petit à petit par des conteneurs. En 1956, il franchit un pas supplémentaire en achetant deux pétroliers de la Seconde Guerre mondiale. Il les transforme de manière à ce qu’ils puissent accueillir ses conteneurs sur et sous le pont : Malcolm McLean vient d’inventer la conteneurisation.

Près de septante ans plus tard, les navires marchands transportent des marchandises partout sur la planète et effectuent près de 90 % du commerce mondial. Selon la Chambre internationale de la marine marchande, «un peu plus de 10 % (5.434 fin de l’année 2021) des 50.000 navires de commerce naviguant actuellement sur les mers et les océans du monde sont spécialisés dans le transport de conteneurs». Le site MoverDN.com estime pour sa part que «plus de 34 millions de conteneurs de différentes tailles sont transportés chaque année, l’ensemble représentant des milliards de tonnes de marchandises de valeur.» Toutes n’arrivent pas à bon port…

Conteneurs à la mer

Des porte-conteneurs de plus en plus nombreux, de plus en plus longs et plus hauts : la croissance du marché et du nombre de conteneurs transportés va de pair avec une augmentation du nombre de conteneurs perdus en mer. Le World Shipping Council (la principale association commerciale représentant l’industrie internationale du transport maritime) considère que «en 2020 et 2021, les conditions météorologiques ont porté à 3.113 le nombre de boîtes passées par-dessus bord». De manière plus large, l’association estime à 1.382 le nombre moyen de conteneurs perdus chaque année entre 2008 et 2019.

D’autres sources indépendantes parlent de 10.000 par an. «Un danger passé sous les radars», titrait le journal Le Monde. Il relate notamment la mésaventure dont le porte-conteneurs One Apus a été victime. Frappé par un orage au large d’Hawaï, il perd 1.816 boîtes dont au moins 64 contenaient des produits toxiques et explosifs.»

Danger pour la navigation, danger pour les écosystèmes aussi. Dans le reportage de ce lundi (France 5 à 21.00), le journaliste Hugo Clément et son équipe relatent notamment le travail de militants occupés à ramasser des centaines de brosses à dents et de produits de beauté échoués sur les plages à cause d’un conteneur tombé d’un bateau. Ils montrent aussi des cargos-poubelles démantelés en plein océan Indien sans aucune mesure de sécurité mais aussi comment des pêcheurs se battent contre des bateaux qui déversent illégalement des produits chimiques et des substances toxiques dans les océans. À l’heure actuelle, aucune mesure contraignante n’existe au niveau international concernant les pertes…  

Cet article est paru dans le Télépro du 12/1/2023