Canal de Panama : panne sèche

De récents travaux permettent aux plus gros porte-conteneurs d’emprunter les 80 km de voie navigable © AFP via Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Jeudi à 22h10 avec le documentaire «Panama, une alerte aux portes de l’Amérique», La Une nous invite à plonger au cœur des enjeux cruciaux qui menacent le canal de Panama.

Entre l’Atlantique et le Pacifique, le canal de Panama est un carrefour incontournable pour le commerce mondial de marchandises. Aujourd’hui, ce point de passage essentiel doit faire face à des défis majeurs avec, en tête, la menace du changement climatique et la sécheresse.

Canal supercentenaire

Bien qu’en proie à des difficultés considérables à l’heure actuelle, le canal de Panama a déjà connu une histoire mouvementée et ce, avant même sa création. Si des esprits avisés, dont celui de Charles Quint, le rêvent dès le XVIe siècle, la première tentative pour concrétiser cette vision n’a lieu qu’en 1880, sous l’impulsion de l’entrepreneur français Ferdinand de Lesseps, à l’origine de la construction du canal de Suez. Mais Lesseps échoue et s’enlise dans divers scandales financiers.

Au début du XXe siècle, les États-Unis reprennent la main et le canal ouvre en août 1914. Si la construction de ses 80 kilomètres à travers l’isthme de Panama fut l’un des projets d’ingénierie les plus complexes jamais entrepris, l’intérêt stratégique pour le commerce international est considérable. Désormais, les bateaux peuvent relier les océans Pacifique et Atlantique sans passer par la pointe australe de l’Amérique du Sud. Une prouesse hors norme qui aura cependant coûté la vie à plusieurs milliers de travailleurs. En cause, notamment, des épidémies de paludisme, de fièvre jaune et des glissements de terrain.

Oh mon Panamax, tu es le plus gros des bateaux

En 1999, la domination américaine sur le canal s’achève au profit d’un retour à la souveraineté panaméenne en vertu de traités signés, en 1977, par les présidents de l’époque, l’Américain Jimmy Carter et le dirigeant nationaliste panaméen Omar Torrijos. Dès l’aube des années 2000, l’idée de moderniser et d’agrandir la voie navigable est envisagée. L’objectif ? Permettre le passage de navires toujours plus grands, que l’on nomme alors Panamax. En juin 2016, un troisième jeu d’écluses entre ainsi en service, près de dix ans après le début des travaux. Cette nouvelle voie donne la possibilité à des navires pouvant mesurer 366 mètres de longueur, pour 49 mètres de largeur et transportant jusqu’à 14.000 conteneurs, de traverser le canal. Un nouveau nom est attribué à ces géants des mers, les « Post-Panamax » ou « New-Panamax ».

Mauvais canal

Comme le reste de la planète, le canal de Panama doit composer avec le dérèglement climatique. Gros hic, son bon fonctionnement est tributaire de la météo. « L’eau douce est indispensable pour déplacer les navires dans les écluses (jusqu’à 26 mètres au-dessus du niveau de la mer). Pour chaque bateau, il est nécessaire de déverser environ 200 millions de litres d’eau douce dans l’océan, que le canal puise d’un bassin hydrographique formé par les lacs Gatun et Alajuela », détaille La Croix.

Durant l’été 2023, face à une sécheresse inédite, les autorités ont pris la décision de restreindre, pour une durée minimum d’un an, le nombre de navires autorisés à emprunter le passage, de 40, habituellement, à 32, puis finalement 27, engendrant des conséquences spectaculaires : des embouteillages de navires, jusqu’à 160 par moment, patientant, de part et d’autre du canal. Aujourd’hui, si ce dernier est à nouveau pleinement opérationnel, les autorités panaméennes restent marquées par la crise de la sécheresse et son impact financier : une baisse de revenus d’environ 200 millions de dollars, sur un chiffre d’affaires total des péages qui avait atteint, en 2022, plus de 3 milliards de dollars.

Convoitise trumpiste

Malgré ces déroutes climatiques passées et, plus que probablement, à venir, le canal est un maillon indéniable du commerce mondial. Douze mille navires le traversent en moyenne chaque année, pour un chiffre d’affaires annuel dépassant régulièrement les 2 milliards de dollars. Une manne financière qui n’a pas échappé à l’œil de Donald Trump. Fin décembre dernier, lors de son premier grand meeting après sa seconde élection, le président américain élu a menacé le Panama d’un retour de la mainmise américaine sur le canal, déclarant que ce dernier avait été « bêtement » cédé par Jimmy Carter et arguant que les États-Unis se faisaient « arnaquer ».

Peu de temps après ce discours, le président Mulino a publié une vidéo déclarant que « chaque mètre carré du canal appartenait au Panama et continuerait d’appartenir » à son pays. En guise de réponse, Donald Trump a publié une photo sur son compte X : on y voit un drapeau américain planté sur les lieux avec pour légende : « Bienvenue au canal des États-Unis ! ».

Cet article est paru dans le Télépro du 16/1/2025

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