Bye bye démocratie ?
Émission spéciale, interviews, documentaires : la RTBF ouvre le débat en cette première semaine d’octobre. Ce mercredi à 20h25 sur La Une, c’est Sacha Daout qui propose une spéciale de «QR».
Notre démocratie est-elle en danger ? La question revient régulièrement aux détours des conversations, dans la presse, sur les réseaux sociaux, au café du commerce… De la crise des gilets jaunes en France à la prise d’assaut du Capitole à Washington en passant par la crise sanitaire : l’actualité se charge d’alimenter le sujet.
Concernant la vaccination par exemple, les «pour» et les «anti» s’affrontent à coup d’arguments et se rejettent mutuellement la responsabilité de menacer la démocratie. Encore faudrait-il tomber d’accord sur la définition du terme…
Liberté, souveraineté, parité
«Il y a presqu’autant de définitions et d’approches de la démocratie que de courants politiques et théoriques», prévient Édouard Delruelle, professeur de philosophie à l’ULiège où il enseigne la philosophie morale, politique et du droit.
Pour lui, aux deux dimensions traditionnellement utilisées pour définir la démocratie (État de droit qui respecte la liberté des individus et la souveraineté populaire), il faut en ajouter une troisième, sociale : la parité de participation. «Une démocratie, c’est une société relativement égalitaire où tout le monde a un accès plus ou moins égal aux choses essentielles pour une vie épanouie : l’éducation, la santé, la culture, l’emploi…».
Trois dimensions liées
Les trois dimensions sont liées : les pays où il y a le moins de libertés civiles sont aussi ceux où, globalement, il y a le moins de souveraineté populaire et où les inégalités sont les plus grandes. Prenons l’exemple de la Russie : les dernières élections ont été très problématiques, les inégalités sociales sont énormes et le pouvoir est exercé par une oligarchie. «Ces trois dimensions de la démocratie doivent toujours être observées et évaluées pour analyser le niveau démocratique d’un pays ou d’une époque».
Individu et collectivité
Le rapport entre démocratie et liberté ? «La liberté, ce n’est pas que notre liberté individuelle. C’est aussi une liberté collective que nous avons en tant que citoyen et en tant que nation. Par ailleurs, je ne peux pas dissocier la liberté de l’égalité. Si la liberté est une liberté pour quelques-uns, ce n’est pas une vraie liberté.»
Pour le Pr. Delruelle (par ailleurs président des Mutualités socialistes), si la vaccination obligatoire (qu’il soutient) peut être considérée comme une atteinte aux libertés individuelles, elle permet surtout de regagner une liberté sociale.
Un bémol toutefois : «Un État démocratique a parfaitement le droit d’imposer des choses à tout le monde. Mais dans ce cas, aucun pays n’a imposé la vaccination. Dès lors, les limitations imposées aux non vaccinés deviennent problématiques. La démocratie n’est pas cohérente».
Démocratie : amis/ennemis
Édouard Delruelle répartit en deux camps ceux qui ne font pas que du bien à la démocratie. Les ennemis explicites d’abord, qui veulent la détruire pour établir un autre système. C’est le cas de Viktor Orban notamment.
«En deuxième lieu, ce sont les pouvoirs financiers (FMI, BCE, toutes sortes d’acteurs économiques privés) qui subtilisent la décision politique. C’est ce néolibéralisme qui tue à petit feu la démocratie depuis trente ans.»
Dans le camp des plus sûrs garants de la démocratie, il place des citoyens, les associations : «La démocratie est résiliente à travers des mobilisations comme celles des jeunes pour le climat, par un mouvement comme Black Lives Matter, le mouvement féministe… La principale défense de la démocratie ne vient pas d’en haut mais d’en bas. Ces mouvements sociaux émergeants portent des questions concrètes qui régénèrent la démocratie. Il faut maintenant que ces aspirations se traduisent par les partis, par l’État».
Inquiétude et alternatives
Alors, bye bye démocratie ? Oui et non. «Non car on ne va pas abolir la démocratie formelle (les élections, le multipartisme, une liberté d’expression formelle). Oui : la démocratie se dévitalise, s’évanouit. Il faut lui redonner de la réalité, construire des alternatives, des programmes… Donc, oui, je suis inquiet pour la démocratie.»
Cet article est paru dans le Télépro du 30/9/2021
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