Bruno Sulak, les cavales d’un cambrioleur cool

Non-violent, Sulak était surnommé l’«Arsène Lupin des joailliers» © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Chaque dimanche à 21h25 sur La Trois, la série de documentaires «50 ans de faits divers» replonge dans les grandes affaires criminelles qui ont passionné le public.

Considéré comme l’«Arsène Lupin des joailliers», Bruno Sulak fut, durant les années 1980, le braqueur le plus célèbre de France. Gangster inclassable à la belle gueule et au verbe haut, il va, à plusieurs reprises, ridiculiser la police. Retour sur un destin peu commun.

Légionnaire et déserteur

Né en 1955, en Algérie, Bruno Sulak passe son enfance à Marseille, dès 1957. À 20 ans, il s’engage dans la Légion étrangère sous le nom de Bernard Suchon. En mai 1978, Bruno/Bernard rend visite à sa famille, le temps d’un week-end. Il quitte la caserne, sans en demander l’autorisation, alors convaincu que personne ne remarquera son absence. Mauvais timing. Le jour même, le régiment des parachutistes, dont Sulak fait partie, est mobilisé pour se rendre à Kolwezi, au Zaïre. Bernard Suchon manque à l’appel. Il est désormais considéré comme un déserteur.

Voyou pacifiste

Après sa désertion, Bruno fait la connaissance de Steve Jovanoviæ, le coup de foudre amical est instantané. Ancien garde du corps de Belmondo ayant même obtenu un petit rôle dans «Le Professionnel», Steve est surnommé le «Yougo». Ensemble, ils montent un premier coup.

Dans la matinée du 14 octobre 1978, alors que deux caissières d’un hypermarché d’Albi comptent la recette de la veille, deux hommes armés interrompent les employées affairées. Ils sont calmes, leur visage est à découvert, et ils tentent d’abord de rassurer les deux femmes terrorisées, avant de s’emparer de 293.000 francs.

«On apprendra plus tard que les braqueurs ont détruit les chèques pour que les clients de l’hypermarché passent un bon week-end au frais du magasin», relate Jean-Alphonse Richard, dans «L’Heure du crime», sur RTL. Après ce coup d’essai réussi, le duo entame une véritable carrière où tous les coups sont permis. À l’exception de la violence physique.

«Allô Georges ? Ici Bruno !»

En février 1980, Bruno Sulak est incarcéré pour la première fois, mais il parvient à s’échapper en sciant les barreaux de sa cellule. Deux ans plus tard, retour éclair à la case prison. Lors d’un déplacement pour une audition chez le juge, il file à nouveau entre les doigts des cinq gendarmes qui le surveillent.

Au cours des braquages suivants, Bruno ne manque pas de panache. Il dévalise l’enseigne Cartier à deux reprises. «On raconte qu’au cours d’un de ses braquages, dans une bijouterie, une jolie femme noire était en train d’essayer une bague. Au moment de quitter les lieux, Sulak lui a glissée galamment au doigt», détaille Étienne de Montety, écrivain et journaliste au Figaro. «L’opinion publique aime le bandit, qui n’a pas de sang sur les mains.»

Lorsqu’il est en fuite, Bruno se paie même le luxe d’appeler le commissaire Georges Moréas qui est à ses trousses. «Un ’Bruno’ qui cherche à s’expliquer, commente son coup de la veille et exprime ses doutes.»

La dernière évasion

Un jour, un casse tourne mal. Sulak déroge à sa règle immuable, prend un otage et menace les policiers avec une grenade dégoupillée. «Tu as raison. Je suis un danger pour la société», confessera-t-il à Moréas.

Bouleversé, il s’exile au Brésil, puis change d’avis et tente de regagner la France. Cela causera sa perte. Son fidèle allié, Jovanoviæ, entreprend de faire évader son ami par hélicoptère. La police flaire le coup, tente d’interpeller le «Yougo» avant son passage à l’acte, mais une fusillade éclate et Jovanoviæ est abattu.

Condamné à neuf ans de prison, Sulak doit purger sa peine à Fleury-Mérogis. Dans la nuit du 17 au 18 mars 1985, Bruno sort de sa cellule, bien décidé à s’évader. Les gardiens à ses trousses, Sulak saute par une fenêtre du deuxième étage. La chance insolente dont il a toujours joui le boude ce jour-là. L’ancien légionnaire fait une lourde chute et succombera à ses blessures le 29 mars.

Cet article est paru dans le Télépro du 21/7/2022

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