Bienvenue en happycratie : je te «like»… Moi non plus !

Les jeunes qui utilisent régulièrement les réseaux sociaux seraient quatre fois plus sujets à la dépression que les autres © Getty Images

Que les accros au bouton «J’aime» sur Internet lèvent le pouce : la dictature du bonheur sur les réseaux sociaux les guette. Ce jeudi à 22h35, «Doc shot» sera consacré à cette ère de l’«happycratie».

«Veux-tu être mon ami ?» : il y a bien longtemps, cette phrase était l’apanage des enfants dans les cours de récréation. Que les plus de 30 ans qui l’ont entendue naguère le reconnaissent : elle faisait plutôt ringard à l’époque. Être obligé de quémander une amitié ? La gêne ! «Pour vivre heureux, vivons cachés», entendait-on aussi fréquemment il y a quelque temps.

Tout cela a bien changé. Avec l’apparition des réseaux sociaux, la phrase enfantine fait désormais office de sésame indispensable pour accéder à l’éventuel espoir d’une pseudo amitié virtuelle. Quant au proverbe de la fable de Florian datant du XVIIIe siècle, il a définitivement fait son temps. Pour vivre heureux, il faut exister sur Facebook, Instagram, Twitter, TikTok…, le dernier réseau à la mode si possible. Exister et être «liké».

Une invention diabolique

Connaissez-vous Justin Rosenstein ? En 2009, cet ingénieur travaille pour Facebook. C’est lui qui a l’idée du fameux bouton «like». Quelques années plus tard, le «génial» inventeur jette pratiquement le même regard sur sa trouvaille que le docteur Frankenstein sur sa créature. En 2017, avec un groupe d’anciens employés des grandes sociétés de la Silicon Valley, il décide de se déconnecter (partiellement) d’Internet.

«Un lumineux tintement de pseudo-plaisir» : c’est ainsi qu’il qualifie désormais le bouton «like», qu’il décrit comme «une addiction». «Il est très courant», déclare-t-il, «que les humains développent des choses avec les meilleures intentions, puis qu’ils doivent faire face à des conséquences négatives imprévues».

Au même moment, le premier président de Facebook, Sean Parker, sort lui aussi du bois et affirme que le réseau social «n’a pas été inventé pour aider les gens à mieux communiquer, mais pour consommer autant d’attention que possible de nos cerveaux en utilisant la «vulnérabilité de la psychologie humaine», la dopamine».

La molécule du bonheur

«L’ADN» (ladn. eu), un média en ligne sur les secteurs de la communication, résume le fonctionnement de ce neurotransmetteur : «Concrètement, lorsque nous accomplissons une action, notre cerveau reçoit un «shoot» de plaisir, la dopamine. Comme une drogue, les réseaux sociaux creusent le sillon de la récompense dans notre cerveau».

Conséquence : dans la foulée des «like» de Facebook, TikTok opte pour des petits cœurs et Reddit pour des flèches. Parmi les grandes plateformes sociales sur Internet, chacune a son «J’aime», Snapchat faisant exception à la règle. «Nous allons chercher dans les réseaux sociaux des récompenses narcissiques qui vont nous permettre de nous sentir mieux», déclarait Michaël Stora, psychologue et psychanalyste, spécialiste des mondes du numérique, au magazine Psychologies.

Un constat que vient confirmer le résultat d’une étude britannique : 40 % des utilisateurs d’Instagram au Royaume-Uni choisiraient leurs publications sur Internet en fonction du nombre de «J’aime» ou des commentaires qu’ils peuvent récolter.

La dictature du like

Une véritable addiction qui ne serait pas sans conséquence pour les accros. À la suite d’une enquête qu’elle avait menée en Grande-Bretagne en 2017, la Royal Society for Public Health mettait en évidence l’impact négatif sur la santé mentale des internautes de ce qu’elle appelait la «dictature du like». En particulier pour les jeunes : «Les 12-24 ans qui utilisent régulièrement Instagram et Snapchat seraient quatre fois plus sujets à la dépression que les autres jeunes de leur âge».

Le docteur en psychologie Edgar Cabanas et la sociologue Eva Illouz optent pour le terme «happycratie» dans leur livre éponyme qui décrit comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies. Cette «happycratie» sur les réseaux sociaux finira-t-elle par nous rendre malheureux ? Si vous cherchez la réponse, vous «likerez» sans aucun doute «Doc Shot» ce jeudi sur La Une. 

Cet article est paru dans le Télépro du 2/12/2021

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