Bébés volés et vendus cherchent leurs mères…
Des années 1950 aux années 1980, diverses « bonnes » œuvres catholiques ont participé à un trafic de bébés en Belgique.
« Tu es une enfant du Bon Dieu. » Christiane a toujours su qu’elle avait été adoptée. Toute gamine déjà, elle aurait aimé en savoir plus sur son histoire. Mais quand elle interrogeait sa mère, c’est la seule réponse qu’elle obtenait : « Tu es une enfant du Bon Dieu ». Car l’adoption avait eu lieu par l’intermédiaire d’une institution religieuse… Aujourd’hui, Christiane en sait davantage. Et sa conclusion fait froid dans le dos : « J’ai été vendue ». Elle n’est pas la seule. Quand ce scandale a été porté devant le Parlement flamand, il y a une dizaine d’années, le chiffre de 30 à 40.000 enfants a été avancé. Ce mercredi, « #Investigation » (à 20h20 sur La Une) revient sur ce lourd dossier avec « Le Marché aux enfants belges ».
Fille-mère
On entend souvent des histoires de bébés volés. Au Guatemala, en Inde, au cœur de l’Afrique… Mais ici, l’histoire se déroule en Belgique. Dans l’après-guerre et jusqu’aux années 1980, la religion occupait encore une place centrale dans bon nombre de foyers. Alors, une grossesse hors mariage était impensable. Une jeune fille enceinte faisait s’abattre le déshonneur sur la famille. Pour éviter le scandale, certains préféraient donc éloigner la pécheresse pour quelques mois et l’envoyer accoucher ailleurs. Le plus souvent en France. Car contrairement à la Belgique, notre voisin autorise l’accouchement sous X, dans le plus total anonymat. Plusieurs cliniques privées se sont donc créées à deux pas de la frontière, du côté de Dunkerque, ainsi que dans les Ardennes françaises, pour accueillir les jeunes filles belges en détresse. Normalement, les bébés ainsi nés en France auraient ensuite dû être pris en charge par la DDASS, le service français dédié à la protection de l’enfance. Mais ils étaient rapatriés en Belgique, en toute illégalité.
Une filière religieuse
Confrontées à la grossesse d’une jeune fille, les familles catholiques s’en ouvraient à leur curé, qui les renvoyait chez des religieuses… Revient toujours le nom de Thérèse Wante. Cette fervente catholique avait mis sur pied une œuvre d’adoption. Elle prétendait ainsi rendre service tant aux demoiselles encombrantes qu’aux couples en mal d’enfant. « Elle s’est rendu compte qu’il y avait un marché à prendre », estime aujourd’hui Christophe, lui aussi adopté à la naissance. « C’est devenu un trafic ! »
Les jeunes filles étaient hébergées loin de chez elles le temps de leur grossesse, puis amenées en France pour l’accouchement. Afin d’éviter tout problème, celui-ci se déroulait parfois dans une demi-anesthésie. Parfois avec une stérilisation à la clé. Et à leur insu ! Puis les bébés étaient immédiatement retirés à leurs mères, pour être rapatriés en Belgique où ils étaient confiés à l’adoption.
Beaucoup d’argent
Au passage, Thérèse Wante et les institutions religieuses se rétribuaient grassement. La prise en charge d’une jeune fille enceinte pouvait coûter deux ans de salaire à sa famille. à l’autre bout de la filière, les parents adoptants déboursaient eux aussi de très grosses sommes pour accueillir un bébé. Interrogé par la RTBF, le porte-parole de la conférence épiscopale relativise la responsabilité de l’Église. Quant aux transactions financières, il estime qu’il s’agissait probablement d’une « participation aux frais ».
Nés sous X via Wante
Christophe de Neuville, journaliste et réalisateur à la RTBF, a fondé, en avril dernier, l’association Nés sous X via Wante. Située à Waremme, elle réunit plus de 130 adultes adoptés dans le cadre de ce trafic. Et les aide à retrouver leur famille.
Cet article est paru dans le Télépro du 5/9/2024
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