BAC Nord : ripoux contre ripoux
En 2012, le démantèlement d’un supposé réseau de flics «ripoux» fait grand bruit en France. Sorti en 2021, le film «BAC Nord» relate cette histoire.
Dans «BAC Nord», le réalisateur Cédric Jimenez nous raconte l’histoire de Greg (Gilles Lellouche) qui est à la tête de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) de Marseille. Pour coincer un gros bonnet du trafic de drogue, un de ses hommes s’allie avec une dealeuse et en fait son indic’. Mais les méthodes utilisées par Greg et son équipe vont finalement se retourner contre eux… Voilà pour la fiction. Qu’en est-il de la réalité ? Ce lundi à 22h55 sur France 2, le documentaire «Affaires sensibles – BAC Nord, la vraie histoire» nous dévoile les coulisses.
Faite le 12
À Marseille, la BAC est réputée pour son efficacité, avec une moyenne de 4.500 interpellations par an. Dans les quartiers de la cité phocéenne, qui ont des taux de criminalité parmi les plus hauts de l’Hexagone, on se targue de pouvoir s’appuyer sur des «super-flics». En tout cas, jusqu’au 12 octobre 2012. Ce jour-là, douze policiers d’une même unité, en charge de la sécurité sur les hauteurs de la ville, sont arrêtés. Moins d’une semaine après, six de leurs confrères sont également écroués. Tout le pays, gouvernement français compris, est stupéfait.
Sous surveillance
Depuis plusieurs mois, une enquête interne est menée par l’IGPN, Inspection générale de la Police nationale, dans le plus grand secret. «Un coup de filet rare au sein de la police», relate le site Konbini. «Ces dix-huit fonctionnaires sont placés en détention provisoire pour des faits de corruption, racket, vol et extorsion en bande organisée, acquisition, détention et transport non autorisé de stupéfiants, et enrichissement personnel.» Ceux que l’on surnomme les «baqueux» auraient donc profité de leur proximité avec le monde de la drogue pour se servir au passage ? Des écoutes téléphoniques réalisées dans le cadre de l’enquête de l’IGPN semblent l’attester. Sur un enregistrement cité par France 3, on entend un agent demander à un individu interpellé : «File-nous deux barrettes et on te laisse tranquille !»
Guerre interne
Durant le procès des policiers, qui débute en avril 2021, les enregistrements continuent d’accabler la BAC. «Sur certaines bandes audio entendues lors du procès, un chef de groupe déclare clairement : « Moi, je vais prendre un peu de beuh », quand un autre explique vouloir garder des cigarettes d’une perquisition pour sa copine…», poursuit Konbini. Pourtant, en première instance, sept policiers sont relaxés et onze condamnés à de la prison avec sursis, entre deux mois et un an seulement, contre les trois ans réclamés par le procureur. Une sentence jugée faiblarde par ceux qui se passionnent pour l’affaire depuis le début.
Pas si simple…
Les faits sont plus complexes que prévus. Ce qui semblait être une histoire de police gangrénée par la corruption serait plutôt un coup monté sur fond de guerre entre les différentes hiérarchies des forces de l’ordre. «Un ancien commissaire marseillais, qui a suivi de près cette affaire, est persuadé que son collègue de l’inspection générale n’avait pas qu’un problème avec l’accent marseillais. En réalité, il voulait nettoyer la BAC Nord sans avoir les éléments à charge nécessaires au bout de plusieurs mois de surveillance», explique-t-on sur France Inter. «Alors il aurait chargé. Tout cela dans un contexte de guerre des chefs de la police marseillaise qui ont, selon cette même source, totalement instrumentalisé cette enquête.» Le procès en appel devrait s’ouvrir en septembre prochain.
Grand écran et controverse
Si l’affaire a déjà fait grand bruit, il en va de même pour la fiction inspirée des faits réels, «BAC Nord». Lors d’une conférence de presse, dans le cadre du festival de Cannes, un journaliste reproche au réalisateur son parti pris en faveur des policiers et sous-entend qu’il fait le jeu de l’extrême droite française. Si Cédric Jimenez se défend de tout manichéisme, les réactions ne se font pas attendre : Marine Le Pen et Éric Zemmour se font un plaisir de citer le film «BAC Nord» pour illustrer les problèmes de sécurité en France. Une attitude que Jimenez qualifiera de «pure récupération politique».
Cet article est paru dans le Télépro du 17/3/2022
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