Avec maman… en prison
509 femmes sont actuellement incarcérées en Belgique. Parfois avec leur enfant… Ce mercredi à 13h, l’émission «Arte Regards» propose un sujet intitulé «En prison avec maman».
Le cliquetis du trousseau, la clé qui tourne dans la serrure, la grille qui s’ouvre… Le cameraman, le preneur de son et moi-même emboîtons le pas à la gardienne. L’ambiance qui règne dans cette partie du quartier femmes de la prison de Lantin tranche avec celle des autres services, plutôt austères, que nous venons de traverser. Dans quelques instants, nous avons rendez-vous avec deux mamans. Elles ont accouché il y a quelques semaines. Leurs enfants vivent ici avec elles.
Comme à la maison
Dans cette «nursery», tout semble plus serein, comme apaisé. En guise d’accueil, le gazouillis des bambins. Ils sont là, à gigoter sur un tapis de jeu aux couleurs vives. Sous l’œil de leur maman. Dans quelques instants, ce sera l’heure des biberons. Puis viendra la sieste, en cellule. «Je ne voulais pas ça pour mon enfant», «Je n’ai jamais imaginé cela» : les mamans se confient.
Subitement, l’atmosphère se fait plus lourde. De l’apparente insouciance qui berçait le service, nous basculons dans la réalité de ces mamans et de leurs enfants, derrière les barreaux, emprisonnés. Depuis ce tournage, dix ans ont passé. Dans ma mémoire, impossible d’en effacer les images.
Une minorité
Valérie Callebaut est la porte-parole francophone de la direction générale des Établissements pénitentiaires (DGEPi). Avec elle, nous faisons le point sur la situation des femmes incarcérées en Belgique. «À l’heure actuelle, 509 femmes sont incarcérées en notre pays. Cela représente 4,4 % de la population carcérale (11.649), un chiffre relativement stable.»
Depuis la fermeture de la seule prison pour femmes (à Berkendael en novembre 2022), elles sont placées dans des quartiers qui leurs sont réservés à Anvers, Bruges, Gand, Hasselt, Hoogstraten, Lantin et Mons. Sept des trente-six établissements pour hommes (trente-sept ce 7 juillet).
Les mamans qui ont un enfant en bas âge sont autorisées (ou pas) à le garder auprès d’elles jusqu’à l’âge de 3 ans. Une des conditions requise est un accueil possible en crèche la journée. L’encadrement est réalisé avec les partenaires de la DGEPi, l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE) et Kind en gezin. Dans tous les cas, le principe directeur doit être le bien-être et l’intérêt supérieur de l’enfant. Les refus sont rares (sauf si la mère est déchue de ses droits). «Le nombre de mères avec enfant est très restreint dans les prisons belges», précise Valérie Callebaut. «Elles sont trois actuellement.»
Les oubliées
Au fil des rapports publiés ces dernières années, le même constat revient régulièrement. «Les règles et les structures pénitentiaires ont été créées en vue d’accueillir une population carcérale dans laquelle les détenus masculins sont considérés comme étant la norme», synthétise le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Conséquence de cette «sous-représentation» féminine : un traitement moins favorable par rapport à la façon dont les hommes sont traités. Retiennent particulièrement l’attention des observateurs : l’hygiène et les soins de santé adéquats, l’hébergement convenable, la prise en charge pré et post-natale.
«Les femmes détenues sont souvent oubliées par le système carcéral», analyse Prison Insider, une plateforme de production et de diffusion d’informations sur les prisons dans le monde. «Elles ont généralement moins accès aux activités et au travail», explique Carolina Nascimento, responsable du pôle «Informer».
Des activités mixtes (travail, culte, formation, sports collectifs) sont toutefois organisées dans certains établissements, comme à Marche-en-Famenne et Haren, pour que les conditions de vie soient le plus proches possible de la vie normale.
Autre considération : les femmes constituent souvent le principal soutien de leurs enfants, constate le CPT. Leur incarcération peut être gravement préjudiciable. Des associations (le Relais Enfants-parents, la Croix-Rouge, Aide et reclassement,…) tentent de maintenir le lien familial en organisant et en encadrant des rencontres sur le lieu de détention. Chaque année, 20.000 enfants sont concernés par cette problématique.
Cet article est paru dans le Télépro du 6/7/2023
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