Arica : danger immédiat !

Arica pleure ses victimes, mais l’affaire est loin d’être réglée... Le site n’est pas convenablement dépollué et des gens y vivent encore © Laika Films & Television AB

Depuis plus de quarante ans, une cité chilienne subit la pollution de déchets toxiques. Ses habitants souffrent de multiples maladies. Et certains en meurent. Ce samedi à 22h55, le documentaire «Arica» dévoile ce scandale.

Bordant le Pérou, la ville d’Arica était jadis réputée pour ses plages et un climat si agréable qu’on l’appelait le printemps éternel. En 1984, en pleine dictature, son destin bascule. Via les services de Promel Ltda, un général proche de Pinochet autorise la société minière suédoise Boliden à transférer et déposer 20.000 tonnes de déchets industriels contenant du plomb, de l’arsenic, du cadmium, du mercure, du cuivre et du zinc en périphérie de la cité.

Dans les années 1990, les autorités y construisent des logements sociaux. Très vite, les occupants tombent malades. C’est encore le cas aujourd’hui…

Personne ne savait

Quand les familles emménagent, les enfants jouent sur les monticules de poussière à côté des maisons – en les descendant en traîneau, en modelant la poussière comme de l’argile et en la ramenant dans leurs foyers. Les résidents ne savent pas que l’aire de jeux est toxique.

Tomas Bradanovic, ingénieur chilien, se souvient : «Personne n’en connaissait la dangerosité. Jusqu’à ce que les petits présentent des symptômes jamais vus auparavant, dont des éruptions cutanées étranges. Et tout à coup, des mères du quartier ont fait des fausses couches.»

Parmi les victimes, Marisol Maibé a souffert d’un cancer du sein et de la vésicule biliaire. Son mari, de problèmes cardiaques et leur quatre fils d’inflammations cutanées et de déformations cancéreuses des os.

Comme ses voisins, Marisol a entamé des recours en justice et appelé l’OMS à l’aide. «Quand mon époux a enfin reçu un traitement, les médecins ont dit qu’il y avait dans son sang deux fois la quantité tolérée d’arsenic !»

Autorités laxistes

En 1997, l’ONG Servicio Paz y Justicia découvre l’importante toxicité de la décharge. Après recensement des maux – cancers, douleurs articulaires, difficultés respiratoires, allergies, anémie, malformations congénitales, stérilité -, les experts estiment que douze mille personnes ont été touchées et beaucoup ont perdu la vie. Ils déclarent les autorités suédoises et chiliennes responsables.

Lors du premier envoi des résidus industriels, la demande d’importation suédoise indiquait à tort que les déchets n’étaient pas toxiques. L’Onu ajoute que les autorités chiliennes, de leur côté, n’ont procédé à aucune analyse chimique.

En 2013, 796 résidents d’Arica ont entamé une action judiciaire en Suède contre Boliden. La cour d’appel a estimé que leurs réclamations étaient trop tardives et la Cour suprême suédoise a refusé d’entendre l’affaire ! Ce qui, selon les experts, équivaut à un déni de justice environnementale, en tenant compte du fait que les maisons «contaminées» sont encore occupées aujourd’hui par des Chiliens précaires, des migrants et demandeurs d’asile.

Mesures urgentes

Cerise sur ce monticule de mensonges empoisonnés : la Suède est censée veiller à ce que les activités relevant de sa juridiction ou de son contrôle ne nuisent pas à l’environnement d’autres États. Cette règle a vu le jour dans sa capitale, après la Conférence des Nations unies sur l’environnement en 1972 !

Les experts demandent donc des mesures urgentes pour une élimination des déchets, des dédommagements pour les résidents d’Arica, dont des soins médicaux, et une réinstallation dans des logements garantissant des conditions de vie digne. Sera-ce chose faite avant le 50e anniversaire de la Déclaration de Stockholm en juin prochain ?

Cet article est paru dans le Télépro du 13/1/2022

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