Arctique, l’échiquier blanc
Sur la glace, les pions se placent. Russie, Chine, Otan… Entre nations, la bataille est engagée pour le contrôle des richesses économiques du Pôle Nord. Ce mardi à 20h50 sur France 5, «Le Monde en face» évoque la «guerre du pôle».
L’Arctique, au nord du cercle polaire. Un territoire immense : 21 millions de km2 ! Des terres, mais aussi un océan qui gèle en hiver et forme la banquise, une énorme couche de glace de 14 millions de km² sur 3 à 4 mètres d’épaisseur. En été, elle fond. Et le phénomène est de plus en plus marqué ces dernières années. Les chiffres enregistrés par les satellites en octobre sont catastrophiques : la banquise n’a jamais été aussi petite depuis 1978. La faute au réchauffement climatique…
Ressources alléchantes
La route maritime du Nord-Est est désormais libre de glace la majeure partie de l’année. Même si les conditions climatiques restent extrêmes (jusqu’à -50°C et une faible luminosité pendant la majeure partie de l’année), les richesses de la région sont devenues plus accessibles. Elles aiguisent les appétits des voisins mais aussi des super puissances mondiales. La Russie, les États-Unis et la Chine se livrent à une course contre la montre pour les contrôler. Selon l’agence de recherche géologique américaine USGS, l’Arctique recèle 13 % du pétrole et 30 % du gaz naturel non-découverts. Sans compter l’or ou les gisements rares.
Pôle de paix
En 1987, Mikhaïl Gorbatchev, secrétaire général du Parti communiste d’URSS, déclare : «Laissons le Pôle Nord devenir un pôle de paix». Comme le rappelle le webzine slate.fr, il appelle «à une démilitarisation du Grand Nord et à l’instauration d’une coopération pacifique».
Mai 2019, autre déclaration. Du secrétaire d’État américain cette fois, Mike Pompeo. Il met le feu à la banquise : «La Russie laisse déjà dans la neige des empreintes de bottes !». Que s’est-il passé entre ces dates ? D’abord, le conseil de l’Arctique est créé en 1996. Cette instance de coopération régionale a pour objectif de «promouvoir les aspects environnementaux, économiques et sociaux du développement durable dans la région». En font parties huit États riverains des régions arctiques (dont les USA et la Russie), des organisations autochtones, des ONG et des États observateurs (dont la Chine depuis 2013). Le temps passe, le climat se réchauffe. Au propre comme au figuré…
Les esprits s’échauffent
Côté climat, les températures augmentent, les routes vers l’océan Atlantique (via la mer de Barents et le détroit de Fram) et vers l’océan Pacifique (via le détroit de Béring) sont plus facilement et longuement accessibles durant l’année. Les richesses de l’Arctique aussi. Dès lors, les esprits s’échauffent, en Russie d’abord qui investit massivement : un site gazier, des brise-glaces… «Tout navire étranger doit prévenir un mois et demi avant son passage, accepter un pilote russe à bord et s’acquitter de frais de transit croissants», souligne slate.fr pour ce qu’il qualifie de «verrouillage de la souveraineté russe» dans la région.
La Chine n’est pas en reste. Depuis les années 1990, elle place ses pions. Le site The Conversation.com compte les coups : station de recherche, investissements en extraction, tourisme, diplomatie… Et publication en 2018 d’un «Livre blanc sur l’Arctique» pour rassurer sur ses objectifs : comprendre, protéger, développer et participer à la gouvernance de l’Arctique. L’empire du Milieu entend bien jouer un rôle de choix sur l’échiquier blanc, quitte à s’allier avec la Russie pour tracer la «route polaire de la soie».
Guerre froide ?
Et les États-Unis ? Ils n’entendent pas rester au balcon. Après s’en être désintéressé, le gouvernement de Donald Trump a fait un come-back tonitruant dans la région, allant jusqu’à proposer au Danemark le rachat du Groenland… Projet de forages d’hydrocarbures en Alaska, grandes manœuvres de l’Otan dans la région : la musculation est en action. La nouvelle administration Biden accordera sans doute une attention particulière au sujet et aux conséquences qu’aurait pour la planète une nouvelle guerre froide, avec la Chine cette fois !
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 26/11/2020
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