Afghanistan : une guerre sans fin
Après vingt ans de présence en Afghanistan, les Américains quittaient le pays il y a un an. Chronique d’un échec annoncé, à l’occasion de la diffusion ce dimanche à 20h55 sur France 5 du documentaire «Afghanistan, le prix de la paix».
Elles font partie des images qui marquent, de celles qu’on n’oublie pas. En août 2021, ce sont des scènes de foules désemparées à l’aéroport de Kaboul qui s’impriment à jamais dans les mémoires. Pour échapper aux talibans qui arrivent dans la capitale, des femmes, des enfants, des milliers d’Afghans tentent de prendre les derniers vols qui fuient le pays. Sur le tarmac, c’est la cohue. Des grappes humaines font obstacle aux avions, s’accrochent aux trains d’atterrissage… La détresse et le désespoir dans toute leur horreur. La guerre la plus longue et la plus coûteuse jamais menée par les États-Unis s’achève dans le chaos le plus total.
La guerre de vingt ans
En octobre 2001, les premiers soldats américains et leurs alliés envahissent l’Afghanistan. Ils sont là pour punir les responsables des attentats du 11 septembre qui ont coûté la vie à 2.977 personnes et touché l’Amérique en plein cœur. L’objectif est de détruire l’organisation terroriste Al-Qaïda, à la manœuvre des attentats, de mettre hors d’état de nuire son leader, Oussama Ben Laden, mais aussi de chasser du pouvoir les talibans, qui autorisent la présence de camps terroristes sur leur territoire.
Les Soviétiques aussi…
Par le passé, l’ours soviétique s’était déjà cassé les dents sur l’obstacle afghan. Il avait été contraint de rentrer la queue entre les jambes dans sa tanière après dix ans d’un conflit meurtrier, entre 1979 et 1989. L’aigle américain va vivre le même échec, la même humiliation et perdre de nombreuses plumes dans l’aventure : 2.400 soldats sont tués et plus de 20.000 blessés. Officiellement, celle que la population américaine a baptisé «The Forever war», la guerre éternelle, aurait coûté 2 milliards de dollars aux États-Unis. Une étude de l’université privée américaine Brown estime quant à elle à 6.400 milliards de dollars le coût de cette «guerre contre la terreur» en Afghanistan, en Irak et en Syrie.
L’échec
Le 29 février 2020, les États-Unis et les talibans signent, au Qatar, un accord de paix qualifié d’historique. L’accord de Doha prévoit un retrait total des troupes américaines. Le 30 août 2021, celles-ci abandonnent Kaboul dans la précipitation et le désordre le plus total. Pourtant, lorsqu’elles arrivent en octobre 2001, elles ont tôt fait de chasser les talibans du pouvoir. Cela étant, les États-Unis poursuivent un nouvel objectif : faire de l’Afghanistan un pays qui présentera des caractéristiques proches de la société et du système politique américains.
Comme l’analyse le média de développement durable ID4D, l’Afghanistan est déjà «le pays des multiples fractures, tant communautaires (majorité pachtoune, minorités hazaras, ouzbeks, tadjiks) que cultuelles (sunnites, chiites)». Le plan américain et son «modèle occidental» en ajoute une supplémentaire : ville (éduquée) vs campagne (conservatrice). L’opposition armée des talibans (largement sous-estimés), le soutien du Pakistan à ceux-ci, le rejet des soldats américains par la population, la distance culturelle et morale : comme le décrit la revue comparative de sciences sociales Critique internationale, c’est «la chronique d’un échec annoncé». Stabiliser le pays, c’est : «mission impossible».
Taliban 2.0
Quand ils s’assoient à la table des négociations à Doha en 2020, les talibans se présentent comme une version 2.0 de leurs prédécesseurs de 2001. Devenus subitement fréquentables aux yeux de l’administration américaine, ils s’engagent à rompre avec Al-Qaïda, «n’autoriseront pas leurs membres ou d’autres individus et organisations à se servir du territoire afghan pour menacer la sécurité des États-Unis et de ses alliés», promettent de «laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l’islam». Deux ans après la signature de ces accords, un an après le retour au pouvoir des talibans, allumez votre télévision ou regardez sur Internet les images en provenance d’Afghanistan. Vous constaterez ce que les promesses sont devenues.
Cet article est paru dans le Télépro du 8/9/2022
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