160 millions d’enfants au travail  dans le monde, et «le covid aggrave la situation !»

9 millions d’enfants supplémentaires seraient obligés de travailler à cause de la pandémie de covid (source : Unicef-OIT) © Isopix

2021 devait être l’année d’éradication du phénomène. Nous sommes très loin du compte : la pandémie l’amplifie ! Ce dimanche à 20h10 sur Arte, le magazine «Vox pop» évoque le travail des enfants.

Le 10 juin dernier, l’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Unicef publient le rapport «Travail des enfants : estimations mondiales 2020, tendances et le chemin à suivre». Les chiffres dévoilés sont alarmants : 160 millions d’enfants sont concernés, 8,4 millions de plus que lors du précédent recensement, il y a quatre ans !

Covid en embuscade

Et ce n’est pas tout. Toujours selon ce rapport (couvrant plus de 70 % de la population mondiale des enfants âgés de 5 à 17 ans), 9 millions d’enfants supplémentaires seraient en danger à cause de la pandémie de covid.

«D’une part, dans certaines partie du globe, la pandémie a frappé de plein fouet les métiers précaires des parents», explique Bernard De Vos, délégué général de la Communauté française aux Droits de l’enfant. «D’autre part les écoles ont été fermées et les enfants sont restés à la maison. Ils ont été mis au travail pour pallier le manque à gagner et aider leur famille à survivre.»

En ruralité, non scolarisés

La centaine d’études sur laquelle le rapport se base permet d’établir le profil type de ces jeunes travailleurs. La plupart (35 %) ont entre 12 et 14 ans, les 5-11 ans représentant quant à eux plus d’un enfant sur 4 qui travaille (28 %). Généralement, ils ne sont pas scolarisés et sont principalement occupés dans le secteur agricole (70 %). Les garçons seraient plus nombreux que les filles, mais celles-ci, en revanche, sont affectées à des tâches domestiques ou à la garde des plus jeunes.

Si la pandémie a fait grimper les chiffres, elle aggrave aussi les conditions de travail. «Les enfants qui travaillaient déjà risquent de travailler davantage ou dans des conditions dégradées, tandis que beaucoup d’autres pourraient être contraints aux pires formes de travail des enfants en raison des pertes d’emplois et de revenus au sein des familles vulnérables», commente le rapport de l’Unicef et de l’OIT.

Du tiers-monde aux influenceurs

En Afrique subsaharienne, le nombre d’enfants mis au travail a augmenté de plus de 16 millions en quatre ans. En cause : la croissance démographique, mais aussi une pauvreté galopante et des mesures de protection sociale inadaptées.

En Asie, en Amérique latine, dans les Caraïbes, la crise sanitaire menace d’anéantir les efforts consentis par de nombreux pays pour enrayer le phénomène.

Au printemps dernier, l’ONG Human Rights Watch publiait elle aussi un rapport, intitulé «I must work to eat» («Je dois travailler pour vivre»). Il s’intéressait à l’impact combiné du covid et de la pauvreté sur le travail des enfants au Ghana, au Népal et en Ouganda. 81 enfants témoignent. Ils travaillent dans les champs, dans des usines ou dans la rue comme vendeurs ou conducteurs de pousse-pousse. Ils racontent leurs journées interminables et exténuantes. Dangereuses aussi.

«En Europe, nous disposons de peu de chiffres», complète Bernard De Vos. «Nous savons que cela existe mais c’est une économie ’très noire’, difficile à quantifier. D’autre part, il est parfois compliqué de faire la distinction entre travail et coup de main familial occasionnel. C’est le cas par exemple pour des enfants influenceurs qu’on voit sur les plateformes de vidéos en ligne.»

Quelles solutions ?

Pour inverser la tendance, l’Unicef estime qu’il faut «investir en priorité dans des programmes qui sortent les enfants de la vie active et les remettent à l’école, et dans des programmes de protection sociale». Human Rights Watch prône «des allocations en espèces pour les familles».

«Il faut mieux soutenir économiquement les familles pauvres, matérielles et développer la scolarité», conclut Bernard De Vos.

Mais laissons le mot de la fin à cette Ougandaise de 13 ans : «À la maison, la faim se faisait trop ressentir pour que nous puissions rester assis à attendre.»

Cet article est paru dans le Télépro du 7/10/2021

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