Voltuan, l’homme à la pancarte et aux mille manifs

Voltuan, l'homme à la pancarte et aux mille manifs
AFP

Il est une figure familière des manifestations parisiennes. Ce grand « Y » qui porte à bout de bras des pancartes blanches dont les slogans colorés ont fait le tour du monde. Jusqu’à confisquer la parole et l’image des manifestants? Lui affirme être là par « amour ».

Jean-Baptiste Reddé reçoit dans un café de la Sorbonne, « symbole de 1968 ». Il porte un K-way et son célèbre bonnet abeille rayé jaune et noir surmonté de petites antennes. La veille il recevait un journaliste japonais. « L’équivalent de l’Humanité au Japon, ça s’appelle le Drapeau rouge », s’amuse-t-il. Devant lui, la pancarte qu’il a exhibée à la fête de l’Huma: « Change the system, not the climate ».

L’homme se fait appeler « Voltuan » et se présente comme un poète. Quand on lui demande sa date de naissance, il répond: « J’ai des millions d’années et je suis né ce matin ». Quand on insiste, il dit: « le 1er avril 1957 » (vérification faite, c’est vrai).

Voltuan s’est fait connaître en 2010, lors d’une manifestation contre la réforme des retraites version Fillon. Au milieu des fumigènes et des drapeaux rouges, on ne voit que lui, l’échalas d’1,92m et sa pancarte: « Ecoutez la colère du peuple » en lettres rouges, vertes et bleues. Le cliché fait le tour du monde et le quotidien espagnol El Pais fait le portrait d' »el poeta de la pancarta ».

Mais Jean-Baptiste écume les manifestations depuis quinze ans. Il ne se souvient pas de la première fois qu’il a sorti sa pancarte. Et ne compte plus ses manifs. Mais se souvient de ses meilleurs slogans. « Les sans-dents ont les crocs », « Rémi Fraisse, notre frère d’arbre » ou « Gaza mon amour ».

Jusqu’à l’overdose? Des cameramen ont reçu la consigne de ne plus le « shooter » au risque de répéter les mêmes images. Et en juillet, Libé reprochait à cet « activiste de toutes les causes » de chercher « systématiquement à se faire voir, quitte à confisquer la parole et l’image et à défendre n’importe quoi ». En cause, une manifestation de buralistes en colère où Voltuan a dégainé son panneau « Hollande cesse de nous enfumer ».

Réponse des féministes, Les effrontées, à Libé: « Nous on l’a toujours vu aux manifs féministes même les moins médiatisées, et on le remercie ». Lui rétorque qu’il s’est acoquiné avec les buralistes « juste pour le bon mot ». Et pour « l’amour ».

 

« Complexe comme un tournesol »

 

Son sourire disparaît et ses yeux rougissent quand il évoque sa mère qui « a toujours refusé » de l’embrasser et qui s’est suicidée. Il a retrouvé dans les manifs la chaleur humaine qui lui manquait. « Grâce à mes pancartes, plein de gens viennent me remercier, me payent une bière. Je n’ai pas eu d’amour enfant alors ça me touche beaucoup. Je suis un orphelin de l’amour ».

Il dit aussi: « Les manifs, c’est à la fois grave et festif. J’ai l’impression de faire l’amour à des milliers de personnes à la fois ».

Jean-Baptiste est né au Mans. Il a été instituteur à Angers et en région parisienne jusqu’à l’année dernière. Il vit « chez des amis, sans aucun bien ». Il a juste un petit studio quelque part « en Bourgogne ». Et avec lui ce sac à dos bigarré qui renferme le masque du collectif de pirates informatiques « Anonymous » qu’il porte parfois en manif.

Voltuan parle beaucoup, tout en digression, émaillant son récit de mille citations. « Je chanterai, je chanterai, je n’offenserai ni la chèvre ni le lièvre », dit-il tout d’un coup avec une étoile dans le regard. C’est un poème d’Essénine. Il marque un temps. Et reprend son débit de mitraillette: « C’est naïf mais c’est beau ».

Un jour, il tombe sur Nicolas Hulot dans un café. Il lui offre son recueil de poèmes et lui dit sa citation favorite, de l’explorateur français Théodore Monod: « On a tout essayé sauf l’énergie de l’amour ». Réponse de Hulot: « Vrai. L’amour est une énergie renouvelable infinie ».

Voltuan parle beaucoup d’amour, d’animaux et d’écologie. A la dernière présidentielle, ce fan de Podemos, Syriza et Jeremy Corbyn a voté écolo au premier tour, puis Hollande « pour éviter Sarko ».

Un peu à la retraite, bientôt sexagénaire, il n’a toujours pas trouvé la « vraie femme ». Il s’explique: « Je suis complexe comme un tournesol ». Mais ce grand amateur de cinéma et de littérature altermondialiste ne passe pas tout son temps à faire des pancartes et manifester. « J’aime bien regarder le ciel, les papillons et parler de Naomi Klein ».

 

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